A neuf jours de l'épreuve de force, l'exécutif veut reprendre la main sur le calendrier et enjamber la date choisie par les syndicats opposés à son projet de "système universel" de retraite censé remplacer les 42 régimes existants.
Dès dimanche, le séminaire gouvernemental consacré à cette réforme pourrait se conclure par "l'annonce d'un calendrier et de grands principes", a indiqué Gilles Le Gendre sur Public Sénat.
Le président du groupe LREM à l'Assemblée nationale s'est projeté "après la grève", prédisant que "dans les jours suivant la grève, nous serons capables de faire atterrir un certain nombre de propositions".
Plus précis encore, il a estimé que "les annonces qui vont avoir lieu d'ici une quinzaine ou une vingtaine de jours (...) permettront de clarifier les choses".
Syndicats et patronat, reçus depuis lundi à Matignon, auraient pourtant préféré que le pouvoir abatte ses cartes avant la date fatidique.
"On a perdu beaucoup de temps", a regretté Laurent Berger (CFDT), pointant les "tergiversations de la part du gouvernement".
"La colère est en train de s'enkyster dans certains secteurs", a mis en garde Laurent Escure (Unsa), réclamant "que des arbitrages soient rendus le plus vite possible", car "si c'est après le 5, on sera dans une zone de danger".
La grève "aura lieu de toute façon", a observé Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), disant s'attendre à "des difficultés", même une "très courte grève" pouvant "avoir un impact sur l'image et l'attractivité du pays".
"Pendant une journée, on peut s'organiser", a affirmé François Asselin (CPME), qui s'est surtout inquiété pour "le jour d'après".
"Inquiétude" et "provocations"
"Cette attente d'annonces génère plutôt de l'inquiétude", a souligné Alain Griset (U2P), qui a demandé mardi au Premier ministre, Edouard Philippe, et au haut-commissaire aux Retraites, Jean-Paul Delevoye, de "garantir la liberté d'exercice" des artisans et des commerçants.
Une revendication qui concerne particulièrement les métiers de l'alimentation, pour qui "les périodes de Noël sont essentielles", a-t-il souligné, ajoutant que "si jamais il y avait des blocages, beaucoup se verraient au premier trimestre dans une situation financière extrêmement compliquée".
La crainte n'est pas infondée: parti des bastions de la RATP et de la SNCF, l'appel à une grève reconductible contre la réforme des retraite a été rejoint par la CGT, FO, FSU, Solidaires, et plusieurs syndicats étudiants et lycéens, puis par des organisations d'Air France, d'EDF, d'avocats, de magistrats...
Fait rare, les cadres de la CFE-CGC ont appelé à manifester, et la CFTC a laissé ses syndicats libres de rallier le mouvement, bien que son secrétaire général Cyril Chabanier "privilégie toujours le dialogue par rapport à la grève".
Le leader de la CGT, Philippe Martinez, est lui prêt pour le bras de fer: "On n'avait jamais eu autant de demandes" de salariés "qui veulent savoir comment" participer à la mobilisation du 5 décembre, a-t-il assuré, évoquant des appels à la grève dans "les raffineries, la pétrochimie, le caoutchouc, l'automobile".
"Tout le monde est concerné (...) c'est une réforme qui concerne le public comme le privé", a-t-il insisté, dénonçant "la grosse provocation" de l'exécutif qui cible depuis plusieurs jours les seuls régimes spéciaux.
Des statuts qu'Emmanuel Macron lui-même a jugé "d'une autre époque", la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn, pointant leurs "revendications très corporatistes", et le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, leur reprochant de vouloir "conserver des inégalités".
Trop pour M. Martinez, venu dire en face à M. Philippe: "Arrêtez les provocations et recadrez un peu vos ministres".
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