"On a systématiquement trouvé du microplastique", sur 45 sites répartis sur la Tamise, l'Elbe, le Rhin, la Seine, le Tibre, l'Ebre, le Rhône, la Loire et la Garonne, au large, dans l'estuaire et sur trois autres emplacements plus en amont des cours d'eau, révèle Jean-François Ghiglione, scientifique du CNRS responsable de l'expédition, à quelques heures du retour de la goélette à son port d'attache, Lorient. "C'est assez dramatique", tranche-t-il.
Les scientifiques sur Tara s'intéressent depuis 2010 aux microplastiques (un à cinq millimètres) car ils en ont pêché partout au cours de diverses expéditions. D'où la volonté de se concentrer sur les fleuves, pour savoir "d'où ils viennent, où ils vont, comment ils s'accumulent", explique Jean-François Ghiglione.
Huit millions de tonnes de plastique sont déversées chaque année dans l'océan, dont 80% vient de la terre, selon des estimations.
Les scientifiques ont longtemps pensé que ces déchets se décomposaient en pleine mer sous l'effet des vagues et du soleil. Mais les 46 scientifiques de 17 laboratoires impliqués dans cette mission unique ont constaté qu'ils sont déjà dégradés dans les fleuves.
"Il faut arrêter le flux" de déchets plastiques sur terre car il est impossible de nettoyer les océans, insiste Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Expéditions.
L'Union européenne, deuxième plus gros pollueur après l'Asie selon Tara, interdira certains objets en plastique à usage unique en 2021. La France travaille actuellement à une loi sur la lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire. Mais une des mesures phares, la consigne des bouteilles plastiques, semble toutefois avoir du plomb dans l'aile après que le président de la République Emmanuel Macron a dit qu'elle ne se ferait pas sans l'accord des maires.
Une annonce accueillie avec "inquiétude" par la fondation Tara, qui milite avec des ONG pour une réduction de l'usage et des déchets plastiques, avance Henri Bourgeois Costa, porte-parole mission plastique de la fondation.
Radeau pour espèces invasives
Au cours de leur mission, les scientifiques ont effectué des prélèvements à la surface de l'eau, plus en profondeur et sur les berges. Ils ont récolté des débris de plastique, mais aussi placé des moules et des plastiques "témoins" dans des nasses pendant un mois. L'objectif est de comprendre d'où viennent ces plastiques, mais aussi leur impact sur les organismes marins et leurs effets sur la chaîne alimentaire.
Les 2.700 échantillons vont à présent être analysés en laboratoires et les conclusions seront connues d'ici deux ans. "C'est une opportunité d'avoir (...) une vision globale sur l'ensemble de l'Europe", souligne Leila Meistertzheim, biologiste.
Les premières observations permettent déjà de dire que ces microplastiques comprennent des microbilles présentes dans des dentifrices et des cosmétiques, en plus des particules issues de plus gros déchets. Lors d'une mission en Méditerranée en 2014, il était apparu que les principales sources de microplastiques étaient "le secteur de l'emballage, de la pêche, les fibres textiles" synthétiques, énumère Stéphane Bruzaud, spécialiste des polymères. Reste à voir si la provenance sera la même ou pas dans les fleuves.
Ces microplastiques peuvent relarguer leurs additifs dans l'eau ou absorber des polluants. Ce qui pose problème quand ils sont ensuite ingérés par des poissons, dont certains sont consommés par les humains. "Il y a un cocktail d'additifs qui vont polluer l'environnement, d'où l'idée de simplifier la formulation des plastiques", indique le chercheur.
Les microplastiques posent aussi problème car ils peuvent servir de radeaux pour des bactéries pathogènes ou des espèces invasives.
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