"Il y a eu un recours excessif à la force, des abus ou des délits ont été commis et les droits de tous n'ont pas été respectés", a reconnu le chef de l'Etat dimanche dans une allocution télévisée depuis le palais présidentiel de La Moneda.
La crise sociale sans précédent qui secoue le pays sud-américain depuis le 18 octobre a fait 22 morts, la plupart dans des incendies lors de pillages et cinq à la suite d'interventions des forces de sécurité, ainsi que plus de 2.000 blessés.
Selon l'Institut national des droits humains (INDH), un organisme public indépendant, près de 200 personnes ont notamment été touchées aux yeux par des tirs de chevrotine en caoutchouc utilisés par la police pour disperser les manifestants.
Le président chilien a assuré qu'il n'y aurait "pas d'impunité", "ni pour ceux qui ont commis des actes d'une violence exceptionnelle", en référence aux destructions et pillages perpétrés par les manifestants les plus radicaux, "ni pour ceux qui ont commis (...) des abus", les policiers et militaires.
"Nous ferons notre possible pour aider les victimes", a ajouté M. Piñera, qui a également adressé ses condoléances aux familles des personnes décédées.
Actes de torture, violences sexuelles, tabassages, humiliations, blessures : les accusations et plaintes pour violations des droits de l'homme par des policiers se sont multipliées depuis le début de la contestation, poussant l'ONU à envoyer une mission d'enquête dans le pays.
Vendredi, lors d'une nouvelle manifestation à Santiago, sur l'emblématique Plaza Italia, les forces de l'ordre ont été accusées par plusieurs organismes de défense des droits humains d'avoir ralenti le transfert à l'hôpital d'un jeune homme victime d'une crise cardiaque et finalement décédé, en lançant des gaz lacrymogènes sur le personnel médical.
"Le Chili a changé"
Le président conservateur a également salué l'accord conclu vendredi au Parlement par les partis politiques sur l'organisation d'un référendum en avril 2020 pour remplacer la Constitution actuelle, héritée de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) et accusée de maintenir de fortes inégalités dans la société.
"Si les citoyens le décident, nous avancerons vers une nouvelle Constitution, la première élaborée en démocratie", s'est félicité M. Piñera, dont la coalition de droite s'était jusque-là montrée opposée à un tel changement.
Le référendum comportera deux questions : l'une sur le remplacement ou non de la Constitution et l'autre, le cas échéant, sur la méthode pour la rédiger, un "Congrès mixte" composé de citoyens et de parlementaires, ou une Assemblée constituante de citoyens, comme le réclament de nombreux manifestants.
"Au cours des quatre dernières semaines, le Chili a changé. Les Chiliens ont changé, le gouvernement a changé, nous avons tous changé", a reconnu le chef de l'Etat, tout en admettant que le "dénouement de ces quatre semaines n'est pas encore écrit".
M. Piñera a notamment évoqué la nécessité de conclure plusieurs accords sociaux, en priorité sur le régime des retraites, totalement privatisé et fortement décrié par les Chiliens car condamnant une grande majorité d'entre eux à des pensions en-dessous du salaire minimum.
La contestation au Chili a démarré le 18 octobre pour protester contre une hausse du ticket de métro à Santiago et s'est vite transformée en une explosion sociale contre les inégalités et contre une élite politique jugée déconnectée de la réalité quotidienne du plus grand nombre.
Les protestataires réclament de profondes réformes structurelles du modèle économique ultra-libéral, dans lequel la santé et l'éducation relèvent quasi exclusivement du secteur privé.
Selon un sondage de l'institut Cadem publié dimanche, la cote de popularité du président chilien est passée de 15 à 17%, et 67% des personnes interrogées considèrent comme positif le référendum constitutionnel.
De nouveaux appels ont été lancés pour des manifestations lundi, un mois tout juste après le début de cette fronde sociale inédite dans ce pays considéré comme un des plus stables d'Amérique latine.
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