Sept mois après les attentats jihadistes de Pâques qui ont meurtri le pays, le Sri Lanka renoue donc avec cette famille qui l'a gouverné d'une main de fer de 2005 à 2015 sous la présidence de Mahinda Rajapaksa, grand frère charismatique et controversé de Gotabaya, et avait réussi à mettre fin à la guerre civile au prix d'un gigantesque bain de sang.
Ce fait d'armes vaut à la fratrie, qui cultive une image d'hommes forts, une grande popularité au sein de la majorité ethnique cinghalaise du pays, mais une détestation mêlée de crainte de la part des minorités tamoule et musulmane.
Selon les résultats officiels donnés dimanche par la commission électorale, l'ancien lieutenant-colonel aux cheveux gris a obtenu 52,25% des suffrages, devançant largement son rival Sajith Premadasa (41,99%), qui était soutenu par les minorités tamoule et musulmane. La participation s'est établie à 83,7%.
"Je suis conscient d'être aussi le président de ceux qui ont voté contre moi", a réagi Gotabaya Rajapaksa dimanche en remerciant ses partisans. "Mon devoir est d'être au service de tous les Sri-Lankais, sans distinction de race ou de religion", a-t-il poursuivi, promettant d'exercer ses fonctions "de manière juste".
Le nouveau président prêtera serment lundi à Anuradhapura (centre-nord).
Gotabaya Rajapaksa, 70 ans, a mené une campagne nationaliste et axée sur la sécurité à la suite des attentats jihadistes qui ont fait 269 morts le 21 avril. Des kamikazes d'un groupe extrémiste local s'étaient fait exploser dans des hôtels de luxe et des églises chrétiennes en pleine messe.
"Je n'ai pas dormi de la nuit", a déclaré à l'AFP Devni, une étudiante de 22 ans qui faisait partie de la trentaine de partisans rassemblés dimanche matin devant la résidence de Rajapaksa. "Je suis si excitée, il est le président dont nous avons besoin."
L'élection présidentielle de samedi a été l'un des votes les plus pacifiques au Sri Lanka, historiquement habitué aux scrutins meurtriers.
Toutefois, des hommes armés ont ouvert le feu sur un convoi de bus d'élections musulmans, une attaque qui n'a pas fait de victimes, a indiqué la police.
Camionnettes blanches
Gotabaya Rajapaksa était l'une des clés de voûte du régime de son frère Mahinda, battu en 2015 par une coalition d'opposants et empêché par la Constitution actuelle de se représenter.
En tant que plus haut responsable du ministère de la Défense à l'époque, il commandait de fait les armées sri-lankaises au moment de l'écrasement de la rébellion séparatiste tamoule en 2009. 40.000 civils tamouls ont péri au cours de cette ultime offensive, selon les défenseurs des droits humains qui accusent les Rajapaksa de crimes de guerre.
Gotabaya Rajapaksa est aussi accusé - ce qu'il nie - d'avoir dirigé sous la présidence de son frère des "escadrons de la mort" qui ont enlevé à bord de camionnettes blanches des dizaines de Tamouls, d'opposants politiques ou de journalistes. Certains de leurs corps ont été ensuite jetés sur la route, d'autres n'ont jamais été retrouvés.
Un célèbre journaliste a été assassiné en 2009 après la publication d'un article accusant Gotabaya de corruption dans le cadre d'un contrat d'armement avec l'Ukraine.
Le retour au pouvoir des Rajapaksa préoccupe l'Inde voisine et les Occidentaux en raison de la proximité du clan avec la Chine.
Pékin a prêté des milliards de dollars au Sri Lanka pendant les deux mandats de Mahinda Rajapaksa pour de grands projets d'infrastructures, une dette colossale qui place ce pays stratégique de l'océan Indien dans une situation de dépendance vis-à-vis de la Chine.
Le Premier ministre indien Narendra Modi a félicité sur Twitter le nouveau président pour son élection et a appelé à "approfondir les liens proches et fraternels" entre leurs deux nations.
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