Comme Emily, 23 ans, de plus en plus d'Américains progressistes revendiquent leur droit de choisir par quel pronom ils souhaitent être désignés, indépendamment de leur sexe de naissance. Un combat affiché haut et fort sur leurs cartes de visites, leurs signatures d'emails et sur leurs comptes des réseaux sociaux.
Une affiche est même scotchée sur le comptoir de la librairie qui emploie Emily, à Philadelphie: "Merci de ne pas présumer les pronoms de nos employés".
"They" gagne du terrain aux Etats-Unis, utilisé par les personnes dites "non-binaires", qui ne s'identifient ni comme homme ni femme. Un combat qui s'étend de façon encore confidentielle à d'autres pays: en France certains suggèrent la généralisation du pronom équivalent "iel", contraction de "il" et "elle".
"Respecte" mon pronom
Dans une boutique d'un quartier branché de Washington, au milieu des tee-shirts à l'effigie d'icônes féministes comme la footballeuse Megan Rapinoe ou l'artiste Frida Kahlo, le message de ce porte-clefs vert fluo pourrait en intriguer plus d'un: "Respect gender pronouns": un appel à respecter les pronoms correspondant à l'identité ressentie par chaque personne.
"Quand des personnes ne respectent pas mon pronom, je me renferme sur moi-même, je ne me sens pas bien", confie Pidgeon Pagonis, artiste de Chicago qui revendique aussi le pronom "they".
"Je fais un effort particulier pour avoir une apparence masculine", abonde à Washington Mallory Cross, qui vient de se couper les cheveux très court. "Alors quand des personnes m'appellent +Madame+ ou me tiennent la porte, ça m'énerve".
Mais l'utilisation du neutre suscite aussi son lot de moqueries, ses détracteurs dénonçant une surenchère dans le politiquement correct.
"J'étais à un Starbucks ce matin et les serveurs avaient leurs pronoms affichés. Nous sommes en train de créer une société de gens qui cherchent à être offensés", raille le militant conservateur Charlie Kirk, soutien notoire du président Donald Trump.
"Pas un effet de mode"
"Les personnes non-binaires ont toujours existé, ce n'est pas un effet de mode, c'est juste ce que nous sommes", rétorque Pidgeon Pagonis, qui a d'ailleurs lancé sa marque "Too cute to be binary" ("Trop mignon(ne) pour être binaire").
A New York, The Phluid Project défend aussi cette position. La boutique propose jupes, casquettes et talons "non-genrés", incitant ses clients "à aller au-delà du binaire". La capitale économique américaine propose d'ailleurs depuis janvier une option "neutre" à cocher pour le genre des bébés sur leur acte de naissance.
L'utilisation des pronoms, longtemps cantonnée à la communauté LGBTQ, commence à se répandre "même en dehors des grandes villes", remarque la sociologue Carla Pfeffer. "Avec les réseaux sociaux, les transformations culturelles se propagent beaucoup plus vite", analyse-t-elle pour l'AFP.
Les personnes non-binaires jouissent également d'une représentation accrue dans les séries télévisées et chez les stars, à l'image de l'artiste britannique Sam Smith, qui a récemment révélé être non-binaire.
Le pronom "they" est entré dans le dictionnaire américain Merriam-Webster et le géant Apple a ajouté des émoticônes "neutres", dont on ne distingue pas le genre, dans la dernière version de son système d'exploitation.
Signe d'une possible tendance de fond, un nombre croissant de personnes se considérant soit homme, soit femme, affichent désormais aussi publiquement leurs pronoms, "she" (elle) ou "him" (lui) en signe de solidarité.
Comme cinq autres candidats démocrates à l'élection de 2020, la sénatrice septuagénaire Elizabeth Warren a ajouté le mois dernier ses pronoms, qui correspondent à son genre de naissance, à sa description sur les réseaux sociaux. En affirmant: "Tout le monde mérite d'être traité avec dignité et respect, et ça commence par le fait d'utiliser les bons pronoms. Je m'appelle Elizabeth. Mon pronom est elle".
Le candidat homosexuel Pete Buttigieg se désigne "il/lui", tout comme ses rivaux démocrates hétérosexuels Julian Castro et Cory Booker.
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