Selon de hauts responsables et la presse locale, les principales forces politiques sont convenues de désigner l'ex-ministre des Finances et richissime homme d'affaires, Mohammed Safadi, 75 ans, pour remplacer Saad Hariri qui a démissionné le 29 octobre sous la pression de la rue.
Aucune annonce officielle n'a été faite par le président Michel Aoun, qui doit procéder, selon la Constitution, à des consultations parlementaires à l'issue desquelles il nomme le Premier ministre.
M. Aoun avait indiqué en début de semaine être favorable à un gouvernement "techno-politique" incluant des représentants des partis au pouvoir, honnis par la rue, et des technocrates, alors que les manifestants réclament un cabinet formé exclusivement de technocrates totalement indépendants des partis au pouvoir.
M. Safadi est le principal actionnaire d'une société impliquée dans divers projets dont la gestion d'un complexe de luxe en bord de mer qui empiète sur des biens publics.
En début de soirée, des manifestants se sont rassemblés devant le domicile de M. Safadi à Beyrouth pour protester contre son éventuelle nomination, le qualifiant de corrompu.
"Nous sommes ici pour exprimer le refus catégorique des révolutionnaires de voir Mohamad Safadi désigné à tête du prochain gouvernement", a affirmé à l'AFP Ali Noureddine, un manifestant. "Mohamad Safadi est un corrompu, a-t-il ajouté.
A Tripoli, la capitale du Nord dont M. Safadi est originaire et épicentre de la contestation, les manifestants n'ont pas tardé à réagir après les fuites sur sa possible nomination.
Ils se sont rassemblés devant l'une de ses propriétés, décriant ce qu'ils ont qualifié de provocation.
"Choisir Mohammed Safadi (...) prouve que les hommes politiques au pouvoir sont dans un profond coma, ils vivent sur une autre planète", a déploré Jamal Badawi, un manifestant de 60 ans.
Pour Samer Anous, un professeur d'université, M. Safadi incarne la classe politique dont le mouvement de protestation veut se débarrasser. "Il fait partie intégrante de la structure de ce leadership" et "ne répond pas aux aspirations du soulèvement".
A Saïda, dans le Sud, les manifestants ont bloqué des routes après avoir campé la nuit sur une place centrale.
Dans un communiqué, l'armée a indiqué avoir arrêté vendredi 20 personnes après que des militaires ont été pris pour cible lors de tentatives d'ouverture de routes bloquées par les protestataires, sans autres précisions.
Neuf manifestants ont été relâchés tandis que sept sont toujours détenus et quatre ont été transférés à la police militaire, selon l'armée.
Mardi, un manifestant a été tué par un militaire au sud de Beyrouth en raison du blocage d'une route.
Banques fermées, grève d'hôpitaux
Le Liban est secoué depuis le 17 octobre par une contestation sans précédent contre l'ensemble d'une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence dans un contexte de crise économique aiguë.
Vendredi, des dizaines d'hôpitaux du pays ont observé une grève, dénonçant des pénuries de certains équipements et produits élémentaires, dues aux retards dans le paiement de leurs arriérés par l'Etat et à une pénurie de dollars sur le marché.
Les banques étaient elles fermées après avoir déjà chômé durant les deux premières semaines du mouvement. En un mois de contestation, celles-ci ont ouvert seulement une semaine en renforçant les mesures de contrôle sur les retraits, entraînant parfois des heurts avec les clients.
Vendredi, l'agence internationale de notation Standard & Poor's (S&P) a abaissé la note sur la dette libanaise de "B-" à "CCC", assortie d'une perspective négative, reflétant un risque élevé de défaut de paiement.
Jeudi, S&P avait déjà abaissé la note de trois banques locales de "B-" à "CCC".
Il y a dix jours, l'agence Moody's a abaissé la note souveraine du Liban de "Caa1" à "Caa2", un niveau associé à une forte probabilité de rééchelonnement de la dette.
Depuis août, le dollar, utilisé au même titre que la livre au Liban, s'est raréfié provoquant un bond du taux de change sur le marché noir, fixé depuis 1997 à 1.507 livres pour un dollar.
Cela a pénalisé de nombreux importateurs, notamment de carburants, de médicaments et de farine.
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