Sous pression budgétaire depuis des années, portée à ébullition par la grève des urgences, la cocotte-minute de l'hôpital a fini par exploser.
L'appel à une "grande manifestation", lancé il y a un mois par le nouveau collectif Inter-Hôpitaux, a fait le plein de soutiens. A commencer par le collectif Inter-Urgences, à l'origine d'un mouvement social inédit, débuté en mars à Paris et qui s'est étendu à tout le pays, avec encore 268 établissements touchés en début de semaine.
Les revendications n'ont pas changé: augmentation des salaires, hausse des effectifs et réouverture des lits supprimés. Mais la colère n'a cessé de monter.
Avant la manifestation parisienne, qui devait s'élancer de Port-Royal à 14H00, près d'une centaine d'agents hospitaliers se sont rassemblés à Marseille devant l'agence régionale de santé, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Il y a un ras-le-bol des personnels, épuisés, qui sont venus directement à l'organisme de tutelle réclamer des moyens", explique Jean-Michel Carayol, permanent FO santé à l'AP-HM (Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille).
Monique Aubin, infirmière de 61 ans, en poste au service de néphrologie de l'hôpital de la Conception, décrit "des conditions de travail détérioriées: on fait beaucoup de paperasse, on manque de matériel, même de médicaments, ce qui nous fait perdre un temps précieux, qu'on ne passe plus avec les patients".
Les professionnels "ont raison de pointer les très grandes difficultés" de l'hôpital public, a estimé Sibeth Ndiaye sur France Inter. Ces difficultés "perdurent depuis très longtemps", a souligné la porte-parole du gouvernement, évoquant un "déficit d'investissement" et "d'attractivité des professions médicales".
Fait rare, tous les syndicats de la fonction publique hospitalière se sont ralliés à la mobilisation, en particulier la CGT, FO et la CFDT, qui peinent tant à s'accorder sur d'autres sujets au niveau national.
Les étudiants en médecine, avec la bénédiction des doyens, ont décrété une "journée sans activités dans toutes les facultés".
Les internes sont pour leur part consultés par leur intersyndicale (Isni) sur une possible grève "totale et illimitée à partir du mardi 10 décembre", les généralistes en devenir de l'Isnar-IMG apportant eux leur "soutien" à la mobilisation.
L'inquiétude est remontée jusqu'aux pontes des commissions médicales d'établissements (CME), qui évoquent un "état d'urgence républicaine".
Matignon en ligne de mire
Agnès Buzyn a promis fin octobre un "plan de soutien" qui mettra l'accent sur "un meilleur investissement courant" et "la revalorisation des salaires, notamment en début de carrière".
Mais la ministre de la Santé a déjà échoué par deux fois à sortir de ce conflit: ni la prime mensuelle de 100 euros versée depuis juillet, ni le plan de "refondation" annoncé en septembre n'ont suffi à apaiser les tensions.
Les manifestants visent désormais plus haut: le cortège parisien doit rallier les Invalides, en espérant que leurs représentants seront reçus à Matignon.
En plein examen du budget 2020 de la Sécu au Sénat, les débats se polarisent sur la hausse des dépenses de santé, pour l'heure limitée à 2,1% à l'hôpital, quand les grévistes réclament le double.
"Des discussions sont en cours" sur le sujet, mais "elles nécessitent des arbitrages difficiles", a reconnu Mme Buzyn devant les sénateurs.
En face, le ministère de l'Economie a déjà fait savoir qu'une reprise, même partielle, de la dette colossale des hôpitaux publics (30 milliards d'euros) "n'est pas une option envisagée".
Et Bruno Le Maire a prévenu que, "si l'on dépense de l'argent pour l'hôpital", il faudra "trouv(er) des économies en face".
Pour ouvrir le verrou de Bercy, la clé viendra d'Emmanuel Macron, qui estimait fin octobre qu'"il va falloir qu'on remette des moyens, parce qu'il faut qu'on réponde à la souffrance des personnels de santé".
La Fédération hospitalière de France l'a bien compris et réclame "un plan Macron pour sauver l'hôpital".
A trois semaines d'une grève massive dans les transports contre la réforme des retraites, il y a urgence.
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