Située dans l'archipel des Canaries, Lanzarote compte 150.000 habitants et reçoit trois millions de touristes par an.
Contrairement à la côte méditerranéenne, peu de béton à l'horizon mais des maisons traditionnelles, basses et blanchies à la chaux.
Pas de panneaux publicitaires non plus aux bords des routes de ce territoire aride où abondent champs de lave noire et jardins de cendres volcaniques.
Une exception qui doit beaucoup à la sensibilité de Manrique, peintre et sculpteur revenu en 1966 à Lanzarote, après une carrière à Madrid et New York, pour y exprimer son "art total".
"J'ai toujours voulu revenir, parce que je savais qu'il y avait sur mon île une série de paysages qui n'étaient pas normaux", a un jour déclaré cet artiste, qui avait, selon son frère Carlos, 94 ans, le "don de tout observer".
De retour à Lanzarote, Manrique achète 20.000 m2 de terrain autour de cinq bulles formées dans une coulée de lave.
Il creuse à la dynamite des couloirs pour les relier et les transforme en salons avec bancs, sol et murs blanchis à la chaux. Il construit au-dessus un étage donnant sur les volcans et les champs de lave.
Cette maison de l'artiste, mort dans un accident de la route, accueille aujourd'hui le siège de sa Fondation.
Art et nature, ADN de Manrique
"La relation entre art et nature constitue l'ADN de Manrique", dont l'oeuvre est marquée par une sobriété fidèle à l'architecture locale, résume Fernando Gómez Aguilera, directeur de cette Fondation, qui célèbre jusqu'à avril 2020 le centenaire de la naissance de l'artiste.
"Le luxe vient de la nature, ce n'est pas un luxe ostentatoire", poursuit-il.
A Lanzarote, Manrique a pu compter sur la complicité de Pepín Ramírez, ami d'enfance et président de l'autorité locale qui lui a fourni la main d'oeuvre indispensable à la réalisation des travaux et a eu surtout le courage de développer l'offre artistique avant les infrastructures.
"C'était un pari politique, il a inversé la priorité et ils ont gagné la partie", analyse Gomez Aguilera.
Le chef d'œuvre de Manrique, +los Jameos del Agua+, est un centre d'art et de tourisme bâti dans un tunnel de lave avec restaurant, piscine et auditorium. Et au milieu, un étang où vit une espèce endémique de crabe.
Manrique a aussi laissé à la postérité 'El Mirador del Río', un restaurant situé sur une falaise surplombant l'Atlantique, le Jardin des cactus ou encore le restaurant 'El Diablo', avec une vue à 360° sur les champs de lave du parc de Timanfaya.
Un écosystème fragile
L'artiste faisait dans le même temps un effort de pédagogie auprès des habitants de l'île.
"Il allait dans les villages, parlait aux paysans et leur disait: +ta maison est belle, prends-en soin, ne la laisse pas tomber en ruine, c'est une bonne architecture+", explique Toñín Ramos, l'un de ses collaborateurs.
Et "cette conscience environnementale, qui est aussi une conscience esthétique, s'est enracinée", abonde Marcial Martín, ancien directeur du réseau de centres d'art, de culture et de tourisme (CACT) conçus par Manrique.
Après des siècles de pauvreté, Lanzarote a pris dans les années 1970 et 1980 un virage, passant de la pêche et l'agriculture de subsistance au tourisme qui pèse désormais 80% de son économie.
"Il avait l'intuition que s'il n'y avait pas de contrôle, la croissance allait être un désastre" comme "à Tenerife et Grande Canarie", explique le musicien et peintre Ildefonso Aguilar, collaborateur de Manrique.
Le modèle pensé par Manrique s'est à peu près pérennisé mais il y a "une standardisation qui fait de la peine" dans les zones touristiques, regrette Marcial Martín, qui déplore aussi qu'il n'y ait pas eu "d'œuvre originale" depuis la mort de Manrique.
Et met en garde sur la fragilité de l'écosystème de Lanzarote: "Pour peu qu'on l'abîme, il deviendrait très difficile voire impossible de le restaurer. Nous devons en prendre soin".
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