La promotion du film, récompensé par le Grand prix du jury à Venise, a été perturbée, les acteurs Jean Dujardin et Emmanuelle Seigner ayant annulé des interviews, tandis que des émissions enregistrées avec Louis Garrel n'ont pas été diffusées ces derniers jours.
Mardi soir, quelques dizaines de féministes ont bloqué une avant-première dans un cinéma parisien en scandant "Polanski violeur, cinémas coupables" et en brandissant des pancartes sur lesquelles était inscrit "Polanski persécute les femmes", appelant tous les cinémas à arrêter de projeter le film et les spectateurs à le boycotter.
"Les cinémas ont le droit de projeter ce film et les gens ont le droit fondamental d'aller le voir. Mais on ne peut pas faire comme si valoriser le film ne participait pas au verrouillage du secret", a indiqué à l'AFP la féministe Caroline De Haas, du collectif #NousToutes.
Un hashtag #BoycottPolanski est apparu sur les réseaux sociaux, tandis que certains y détournaient mercredi les affiches du film, transformant notamment le "J'accuse" en "J'abuse" ou "J'acquitte".
La sénatrice socialiste Laurence Rossignol, ancienne ministre de la Famille, de l'Enfance et des Droits des femmes, a indiqué mercredi matin qu'elle "n'irait pas voir le film" et appelé tout le monde à en faire autant.
"Je peux dire que c'est un film qu'il ne faut pas aller voir, parce qu'il ne faut pas offrir ça à Polanski. Il ne faut pas passer l'éponge en fait. Aller voir le film, c'est passer l'éponge", a-t-elle dit sur France 2.
"dissocier l'homme"
A l'inverse, la réalisatrice Nadine Trintignant a pris la défense de Roman Polanski sur BFMTV. "Je trouve très grave de l'embêter en ce moment, où il y a une remontée de l'antisémitisme en Europe", a-t-elle dit, affirmant qu'elle "aurait plutôt tendance à le croire lui qu'une femme qui a mis 44 ans à réfléchir pour le dénoncer".
A l'avant-première mardi soir aux Champs-Elysées, en présence de l'équipe du film dont Roman Polanski, beaucoup d'invités ont dit "dissocier l'homme du réalisateur".
"Je viens voir le travail de l'homme, du réalisateur; je ne sais pas si ce dont on l'accuse est vrai ou pas vrai", a affirmé à l'AFP l'une des spectatrices, Seny Carette, estimant que les acteurs du film "n'ont rien fait pour qu'on pénalise leur travail".
Vendredi, le quotidien Le Parisien a publié le témoignage de la photographe française Valentine Monnier qui dit avoir été "rouée de coups" et violée par le réalisateur franco-polonais en 1975 à l'âge de dix-huit ans, en Suisse. Une accusation réfutée "avec la plus grande fermeté" par l'avocat du cinéaste.
L'ARP, qui réunit plus de 200 cinéastes dont Roman Polanski, réfléchit à d'éventuelles sanctions à l'encontre de ses membres mis en cause dans des affaires de violence sexuelle, une décision qui pourrait concerner le réalisateur.
Polémique à Venise
La nouvelle affaire Polanski, sous le coup de poursuites de la justice américaine depuis 1977 pour relations sexuelles illégales avec une mineure, arrive sur les écrans à l'heure où le mouvement #MeToo a repris de la vigueur en France après les déclarations d'Adèle Haenel qui a accusé le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements" et de "harcèlement" quand elle était adolescente.
Adèle Haenel, l'une des actrices françaises les plus prisées, a d'ailleurs été l'une des rares voix du 7e Art à exprimer son soutien à Valentine Monnier.
Thriller sur fond d'espionnage, "J'accuse", raconte l'Affaire Dreyfus, scandale majeur de la IIIe République qui a duré douze ans (1894-1906), du point de vue du lieutenant-colonel Georges Picquart, chef des services de renseignement.
Dujardin, excellent, y campe le rôle du lieutenant-colonel, Emmanuelle Seigner (l'épouse de Polanski) sa maîtresse et Louis Garrel le capitaine Dreyfus.
La polémique avait rattrapé Polanski à Venise quand des féministes avaient regretté la sélection en compétition du réalisateur multi-récompensé, qui a déjà été visé ces dernières années par plusieurs autres accusations de viols, toutes réfutées par l'intéressé.
Récompensé à la Mostra, "J'accuse" y avait aussi suscité des réserves, notamment parce que Roman Polanski avait dit à plusieurs reprises qu'il voyait dans cette affaire un écho à sa propre histoire, s'estimant "persécuté".
bur-ram-slb-ab/alu/tes
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