Le Liban vit depuis le 17 octobre un soulèvement inédit réclamant le départ de l'ensemble de la classe politique, quasi-inchangée depuis des décennies et jugée corrompue et incapable de mettre fin au marasme économique. Malgré des heurts sporadiques, la mobilisation est restée largement pacifique.
Mardi soir, brûlant des bennes à ordures et des pneus, les manifestants ont bloqué plusieurs artères et des routes dans le pays, notamment dans des villes du sud et à Tripoli dans le nord.
Un homme, Alaa Abou Fakhr, a été tué par balle dans le secteur de Khaldé, au sud de la capitale, a rapporté l'agence nationale d'information (ANI). Il s'agit de la deuxième personne tuée en marge du soulèvement.
Dans un premier temps, l'armée avait rapporté un incident à Khaldé au passage d'un véhicule militaire sur une route coupée par des manifestants, assurant qu'un soldat a été "contraint d'ouvrir le feu pour disperser" les contestataires, "blessant une personne".
L'armée a ouvert une enquête et le militaire ayant ouvert le feu a été interpellé, d'après la même source.
Le Parti socialiste progressiste, dirigé par le chef druze Walid Jumblatt, a rapporté dans un communiqué la mort par balles d'un de ses responsables locaux.
"Fierté de la révolution"
Opposant de longue date au président Aoun, M. Jumblatt a lancé un appel au calme à ses partisans.
"Malgré ce qui s'est passé cette nuit, nous n'avons pas d'autre refuge si ce n'est l'Etat (...) si nous perdons espoir en l'Etat nous entrons dans le chaos", a-t-il dit.
Dans la ville de Saïda dans le sud, des manifestants qui bloquaient une artère majeure ont allumé des chandelles qu'ils ont disposé sur la chaussée, formant un message d'adieu à la victime: "Alaa fierté de la révolution".
Dans le quartier de Cola, des manifestants ont caillassé les militaires qui tentaient d'ouvrir une route bloquée.
Les violences interviennent après une déclaration télévisée du président Aoun. Le Chef de l'Etat a proposé un gouvernement formé de technocrates et d'hommes politiques, affirmant qu'il était possible que les consultations parlementaires pour désigner un nouveau Premier ministre commencent avant la fin de la semaine.
Les contestataires, qui ont obtenu le 29 octobre la démission du Premier ministre Saad Hariri, réclament un gouvernement composé d'indépendants et de technocrates qui ne seraient pas issus du sérail politique.
"Où est-ce que je peux aller les chercher? Sur la lune?", a lancé le président. "Y-a-t-il une révolution sans leader?", s'est emporté le chef de l'Etat. "Si au sein de l'Etat, il n'y a personne qui leur plaît, qu'ils partent".
Un manifestant interrogé par une télévision locale a réagi avec colère à ce qu'il a considéré comme un appel à quitter le pays. "Nous n'allons pas émigrer, nous n'allons pas quitter le pays."
"Nous allons de nouveau bloquer les routes pour augmenter la pression et faire tomber le président", a réagi un un manifestant à Beyrouth interrogé par l'AFP, Haytham al-Darazi, 36 ans.
"Situation critique"
Par ailleurs, M. Aoun n'a pas nié que des pressions américaines étaient exercées en vue d'une exclusion du gouvernement du puissant mouvement armé Hezbollah, poids lourd de la politique libanaise.
"Mais elles ne peuvent pas m'imposer de me débarrasser d'un parti qui représente au moins un tiers des Libanais."
Les contestataires sont exaspérés par l'absence de services publics dignes de ce nom, avec notamment de graves pénuries d'eau et d'électricité et une gestion archaïque des déchets.
Mardi matin déjà, à Aley (centre), à Tyr (sud) à Baalbeck (est), des manifestants ont organisé des sit-in à l'extérieur ou à l'intérieur des bureaux des opérateurs publics de télécommunications.
Les employés des deux principaux opérateurs, Alfa et Touch, ont lancé une grève générale sans en préciser la durée.
Les banques sont aussi fermées, les employés ayant entamé une grève générale après des échanges tendus avec des clients, les banques ayant renforcé les restrictions sur les retraits et les conversions vers le dollar.
Lundi, la Banque centrale a affirmé que la livre libanaise resterait indexée au dollar et demandé aux banques de lever leurs restrictions sur les retraits d'argent.
Après une rencontre avec M. Aoun, le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis, a estimé que "la situation économique et financière est critique" et que les autorités devraient agir vite.
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