Chaque cas est différent, répètent les spécialistes. Mais, "toute personne qui a une stabilité psychologique sans aucun antécédent traumatique, notamment dans son enfance, s'en sortira ou s'en est déjà sortie, soit 70% des victimes", assure Gérard Lopez, président d'honneur de l'Institut de victimologie, qui a accueilli 180 personnes depuis l'attentat.
Présent au Bataclan le soir du 13 novembre, Fabrice en fait partie: "Il m'a fallu un ou deux ans pour digérer les choses et n'être plus à vif". Aujourd'hui, ce Parisien de 47 ans, qui a "repris une vie normale" est toujours en lien avec d'autres victimes, mais avec "parcimonie".
Camille, aussi, "se sent beaucoup mieux": "J'ai changé de vie de façon positive, je suis une personne plus forte", raconte-t-elle, tout en précisant qu'elle "y pense tous les jours".
Selon le président de l'association de victimes Life for Paris, Arthur Dénouveaux, cette année la "grande majorité" des personnes a passé un "cap": "Quand elles se retrouvent c'est pour parler de leurs projets futurs, notamment de reconversions professionnelles. Et non plus pour évoquer le présent et se demander où elles en sont dans leur reconstruction", raconte cet entrepreneur.
A contrario, de "nouvelles victimes se sont rapprochées de l'association encore cette année", indique-t-il. Une cinquantaine de nouvelles demandes ont également été adressées au Fonds de garantie (FGTI) en 2019 pour une indemnisation. Les attaques ont tué 130 personnes à Paris et à Saint-Denis en 2015 et fait plus de 350 blessés.
"Il s'agit de victimes qui pendant longtemps ne se considéraient pas comme victimes - syndrome du survivant - et qui, au bout de trois ans, se rendent compte qu'elles ne peuvent plus faire face seules", a précisé le directeur général du FGTI, Julien Rencki.
Jean-Baptiste, 26 ans, a longtemps eu "du mal à se considérer comme victime, étant "sorti au bout de 15 minutes du Bataclan", confie-t-il, "je n'arrivais à me plaindre".
Un sentiment assez répandu chez les victimes. Comme le confirme la victimologue Géraldine Million: "Certaines personnes essayent de s'en sortir seules, font l'autruche, colmatent les brèches, mais ce genre de traumatisme resurgit forcément à un moment".
Le procès, qui devrait se tenir en 2021, sera une "étape difficile" pour la plupart des victimes.
- Après le procès, encore des victimes ? -
"La plupart attendent beaucoup d'un procès car c'est à ce moment-là que la société dira publiquement +ce n'est pas normal ce qu'il s'est passé+, il y aura une réparation judiciaire", explique la psychologue clinicienne. Pour les victimes, le procès peut être "un point final", le moment où elles pourront sortir "d'un système de victime".
C'est ce que pense Stéphane, blessé le 13 novembre, selon qui, la fin du procès sera la fin de sa reconstruction. Avant cela, la clôture du dossier d'indemnisation sera une autre étape.
Après, "l'attentat deviendra un événement historique, cela ne sera plus dans l'actualité immédiate", indique quant à lui Alexis, journaliste de 30 ans, présent au Bataclan.
"Les victimes aspirent à vivre sans diminution, non pas en niant leur traumatisme mais en le dépassant, en refusant de se laisser enfermer par lui… et peut-être par nous", expliquent Arthur Dénouveaux, dans un livre coécrit avec le magistrat Antoine Garapon, "Victime et après ?" publié en novembre chez Gallimard.
Selon lui, le statut de victime est "assez aliénant" et "marque au fer rouge" une personne, qui n'est "réduite" qu'à cela par la société. Une "double peine".
"Je ne veux pas être perçue comme victime, je ne veux pas être la victime du Bataclan qu'on connait", confirme Alexis, même s'il reconnait qu'il n'aura plus jamais la même personnalité.
Pour Gérard Lopez, la fin du procès ne signifie pas la fin du sentiment de victime. "C'est un mythe car un tel traumatisme c'est à vie".
Concernant l'autre partie des victimes, le procès "ne va pas changer grand chose": "Elles sont en colère contre elles-mêmes" et devront trouver "réparation en elles et non pas avec une condamnation", poursuit Géraldine Million.
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