C'était le 17 novembre 2018. La France découvrait ce mouvement social inédit, lorsque des centaines de milliers de citoyens ont enfilé un gilet jaune et se sont emparées de ronds-points ou de barrières de péage. Ils criaient alors leur mécontentement contre la hausse des prix des carburants, la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase de la crise du pouvoir d'achat chez les plus modestes. "C'était grandiose, explique Olivier Bruneau, mobilisé depuis le premier jour sur le rond-point des vaches de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Pendant plusieurs semaines, on a été jusqu'à un millier. C'était une liesse populaire." Le lien social s'est renoué sur ces ronds-points, où les citoyens sont finalement restés pendant plusieurs semaines, ont construit des cabanes et partagé des repas, formant "une deuxième famille".
La durée de ce mouvement, pas réellement éteint aujourd'hui, même s'il a baissé en intensité, en fait son premier caractère inédit, selon Frédéric Neyrat, sociologue notamment à l'université de Rouen, qui étudie de près les Gilets jaunes. "Il n'y a pas d'autres exemples aussi significatifs." L'universitaire note aussi une importante "présence des femmes, alors qu'elles sont d'habitude un peu en retrait dans les actions collectives". Le spécialiste relève aussi une diversité des revendications, due à la "politisation des acteurs qui se réintéressent aux questions de la cité". Un sentiment qui est partagé par une partie des Gilets jaunes, qui le voient comme le principal gain de la lutte. "Les personnes, qui se sont mobilisées dans le mouvement, s'intéressent de très près désormais à la politique, à l'économie ou aux institutions. Il faut accompagner cet éveil des consciences", estime François Boulo, l'avocat porte-parole des Gilets jaunes à Rouen.
Et maintenant ?
Reste que sur la question des revendications, les Gilets jaunes n'ont pas obtenu grand-chose. Les mesures annoncées par Emmanuel Macron en fin d'année n'ont pas éteint l'incendie. Le Grand débat a été considéré par les militants comme une mascarade. "On n'a quasiment rien gagné", reconnaît Olivier Bruneau, à part un "soulèvement populaire". Semaine après semaine, le mouvement a peiné à faire corps. "Les tentatives de structuration ont été un échec", analyse Frédéric Neyrat. Et la mobilisation a faibli, par phénomène d'usure, mais aussi par crainte de la tournure que prenaient les événements, avec des manifestations en ville et des affrontements réguliers avec les forces de l'ordre. "Il y a eu des réactions policières très violentes, juge le sociologue. Il y avait des gens radicalisés pour l'action violente contre les forces de l'ordre, mais la réponse a été peu différenciée, surtout quand l'on voit les victimes de tir de LBD (Lanceur de balle de défense, NDLR)". Même constat pour François Boulo, qui assure que cette répression a découragé des manifestants. Lui pense qu'il y aura "une mobilisation importante pour la date anniversaire", mais voit plus loin. "Beaucoup ont en tête la date du 5 décembre", avec la grève annoncée à la SNCF, la RATP et dans le secteur du transport routier. Une possible convergence des luttes, souvent imaginée, mais qui reste à ce jour à l'état de fantasme.
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