Face à la tension extrême que traverse désormais le pays, Evo Morales, 60 ans, a préféré accepter ce qu'il refusait d'envisager jusqu'ici.
"J'ai décidé de renouveler l'ensemble des membres du Tribunal électoral suprême (TSE)", a-t-il déclaré lors d'une intervention télévisée, en annonçant qu'il "convoquerait de nouvelles élections qui permettront, en votant, au peuple bolivien d'élire démocratiquement de nouvelles autorités".
"Cette décision prise, j'appelle à faire baisser la tension. Tous et toutes doivent pacifier la Bolivie", a-t-il lancé.
Evo Morales n'a pas spécifié s'il se représenterait à ces nouvelles élections et n'a pas plus indiqué les dates auxquelles elles auraient lieu.
Peu auparavant, l'Organisation des Etats américains (OEA) avait demandé l'annulation de la présidentielle du 20 octobre, entachée de fraudes selon elle, et demandé la convocation d'un nouveau scrutin, dès que les garanties seraient fournies pour son bon déroulement, "au premier rang desquelles la composition d'un nouvel organe électoral", par allusion au TSE.
Le scrutin du 20 octobre a abouti à la réélection à la présidence, pour un quatrième mandat jusqu'en 2025, d'Evo Morales, un leader indigène de gauche, au pouvoir depuis 2006. Un tel quatrième mandat avait pourtant été rejeté par référendum en février 2016.
Son score annoncé par le TSE, dépassant de plus de dix points celui du centriste Carlos Mesa, avait aussitôt été qualifié de frauduleux par l'opposition.
Aggravation
Evo Morales a annoncé dimanche que le Parlement, où il dispose de la majorité, se réunirait "dans les prochaines heures" pour que les partis boliviens puissent définir les moyens de renouveller le TSE et faire de lui une instance à l'abri des critiques, tant intérieures qu'extérieures.
Les comités de la société civile qui se sont multipliés ces dernières semaines dans le pays et à l'origine d'assemblées publiques la semaine passée ont demandé à ce que ni Evo Morales, ni Carlos Mesa, se représentent pour un nouveau scrutin.
Les signes d'aggravation de la situation se multipliaient ces dernières heures, avec des mutineries d'unités policières et l'occupation de médias d'Etat par des manifestants.
Evo Morales avait encore lancé samedi un appel au dialogue, rejeté aussitôt par l'opposition, tandis que Cuba lui exprimait son soutien, face à "l'aventure putschiste de l'impérialisme et de l'oligarchie".
Le pape François a appelé pour sa part les Boliviens à attendre "dans la paix et la sérénité" le processus de révision électoral "en cours".
La vague de contestation qui secoue le pays depuis trois semaines a fait trois morts et 200 blessés.
Une foule de manifestants hostiles à M. Morales a occupé samedi à La Paz les sièges de deux médias d'Etat, Bolivia TV et Radio Patria Nueva, et a contraint leurs employés à quitter les lieux.
M. Morales a condamné l'occupation de ces médias par des manifestants. "Ils disent défendre la démocratie, mais ils agissent comme en dictature", avait-il écrit sur Twitter.
Peu après, une radio du syndicat paysan CSUTCB à La Paz a également été envahie par des manifestants, selon un autre tweet de M. Morales qui a condamné "une attaque lâche et sauvage". "Dans le style des dictatures militaires, les putschistes attaquent des sièges syndicaux", a écrit le président.
Vendredi, trois unités de la police se sont mutinées dans la ville de Cochabamba (centre), puis à Sucre (sud, capitale constitutionnelle de la Bolivie) et à Santa Cruz, une région riche de l'est du pays et un bastion de l'opposition.
Les mutineries se sont étendues dans la nuit de vendredi à samedi aux autres régions, selon les médias locaux.
"Notre démocratie est en danger à cause du coup d'Etat en cours que des groupes violents ont lancé contre l'ordre constitutionnel", avait écrit M. Morales sur Twitter vendredi soir.
Le ministre de la Défense Javier Zavaleta a toutefois exclu une intervention militaire contre les mutins.
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