Réunis à Lourdes, les quelque 120 évêques ont voté "très largement" ce dispositif, destiné à la "reconnaissance de la souffrance" subie par les personnes agressées et qui passe par "une somme d'argent unique et forfaitaire", a annoncé à la presse Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF).
Ce n'est "ni une indemnisation qui dépend de la justice de notre pays ou de la justice canonique, ni une réparation", a expliqué M. de Moulins-Beaufort.
Son montant sera proposé aux évêques lors de leur prochaine réunion à Lourdes en avril, tout comme le fonds de dotation spécifique, qui permettra de verser le forfait. Le versement interviendra donc à la suite de cette rencontre. Il sera proposé à l'initiative de "chaque évêque" pour les "victimes qu'il connaît".
Sont concernées "au premier chef" les personnes pour lesquelles les faits sont prescrits. Pour celles dont les dossiers judiciaires sont encore en cours, le versement interviendra après.
Le fonds de dotation sera alimenté par les "évêques", les "prêtres coupables quand ils sont vivants", et des fidèles qui voudront bien venir nous aider", selon le président de la CEF. Son montant sera connu en avril.
Les évêques réfléchissent par ailleurs à l'idée d'un "geste liturgique". Cela pourrait être une prière à l'attention des victimes, par exemple lors du Vendredi Saint.
L'Eglise catholique est depuis plusieurs années en pleine tourmente avec les révélations successives sur des scandales d'agressions pédophiles commises pendant des décennies par des prêtres ou des religieux et souvent couverts par leur hiérarchie.
- "Dysfonctionnements" au sein de l'Eglise -
"Le mot +responsabilité+ de l'Eglise n'apparaît pas, ça me gêne beaucoup", a réagi auprès de l'AFP Jean-Luc Souveton, prêtre, agressé lorsqu'il était mineur, membre du groupe de travail avec la CEF sur cette question. Une critique également observée par un autre membre du collectif, Michel, prêtre aussi victime ayant requis l'anonymat: "ça manque".
Ce mot n'a pas été prononcé par Eric de Moulins-Beaufort. Ce dernier a toutefois souligné qu'il s'agissait de reconnaitre que les victimes avaient aussi souffert "du silence, de la négligence, de l'indifférence, de l'absence de réaction, ou de mauvaises décisions ou des dysfonctionnements au sein de l'Eglise".
"D'une certaine façon, ils le disent sans le dire, c'est très important", a admis Véronique Garnier, une autre victime. Cette dernière regrette toutefois, comme d'autres, que l'épiscopat n'ait pas attendu la fin des travaux de la Ciase, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise, attendus pour début 2021.
"Les évêques contournent les préconisations de la Commission Sauvé, pour ne pas avoir à affronter ce qui va être un tsunami", juge Olivier Savignac, autre personne agressée. Lui comme M. Souveton ont regretté en particulier que ne soit pas mise en place une véritable indemnisation, octroyée par une instance indépendante, avec barèmes en fonction de la singularité de chaque cas. "Ils s'en tirent a minima".
"Il y a bien peu de respect pour l'expertise de la commission Sauvé", a jugé François Devaux, président de l'association La parole Libérée.
"Depuis 2016 les victimes attendent des choses de nous, on ne va pas les faire attendre encore jusqu'au printemps 2021", a affirmé Eric de Moulins-Beaufort. "Nous tiendrons compte de l'avis de la Ciase sur ce dispositif s'il le faut".
Pour d'autres victimes, le fait que le forfait soit versé à l'initiative de l'évêque est un non-sens. "Quand on voit la tension qu'il peut y avoir entre l'évêque et la victime dans certains diocèses", souligne M. Sauveton. "Ca risque de laisser de côté bien des victimes", a-t-il dit. "A Lyon, on va s'appuyer sur Barbarin ?", a ironisé François Devaux.
Pour M. Souveton, "on a l'impression qu'il y avait un travail de co-création pour des mesures justes à jouer ensemble et qu'on a déclaré forfait".
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