Baptisée "Devenir Matisse, ce que les maîtres ont de meilleur", l'exposition - visible jusqu'au 9 février 2020 - révèle comment l'un des plus célèbres peintres du XXe siècle (1869-1954) a forgé son identité, de 1890 à 1911, date à laquelle il ferme son académie pour entrer dans une nouvelle dimension.
A travers 250 oeuvres de l'artiste - dont dix inédites - et 50 de ses maîtres, le visiteur est invité à découvrir "le terreau sur lequel Matisse va pousser", "les fondations de son travail", explique à l'AFP le conservateur du musée et commissaire de l'exposition, Patrice Deparpe.
On y trouve ainsi "tout ce qu'il a puisé dans le décoratif, la couleur, la structure, le caractère, comment il est parti en étudiant simplement quelques objets qu'il va réutiliser tout au long de sa vie" comme la fenêtre ou la chocolatière.
Clerc de notaire, le jeune Matisse ne se prédestine pas à la peinture: c'est après une maladie qu'une rencontre l'amène à acheter une boîte de couleurs. Issu d'une famille de tisserands, il s'inspire du textile, des paysages du Nord ou de ses livres de droit pour peindre ses premières toiles.
Après cette révélation, il rallie Saint-Quentin puis Paris où il fréquente, à partir de 1892, différents ateliers et écoles. Sur les conseils de Gustave Moreau, il commence à travailler dans la rue. Quais de Seine, fiacres, cafés-concerts: des scènes de vie quotidienne captées sur le vif, mais aussi de nombreux dessins et croquis, témoignent de cette période.
Autre source d'inspiration, le Louvre où il copie notamment un tableau de Jean-Siméon Chardin, "La Pourvoyeuse". "C'est l'une des premières fois qu'il s'intéresse au visage humain", relève M. Deparpe.
Voyages et jeux d'influences
Cézanne, Gauguin, Van-Gogh, Goya... Pour mettre en lumière les nombreuses influences de Matisse, le musée départemental - fondé par Matisse lui-même en 1952 - a obtenu des prêts de plus de trente musées du monde entier, dont le Louvre, le centre Pompidou, le musée d'Orsay, le Tate de Londres et les musées de Boston, Moscou, Bruxelles ou encore Stockholm.
"L'ambition d'avoir les meilleures oeuvres des plus grands maîtres était un vrai pari" qui a nécessité cinq années de préparation, souligne M. Deparpe. Mais "derrière les grandes oeuvres comme celles de Gauguin ou Cézanne, il y a tout ce qui permet d'expliquer le processus créatif et intellectuel, comment Matisse s'est construit dans le rapport avec ses grands maîtres", note-t-il.
Outre des copies méconnues, le visiteur découvre ainsi comment Matisse retranscrit un monumental tableau du peintre néerlandais Jan Davidsz De Heem dans un style d'une étonnante modernité, déjà proche du cubisme ("Nature morte", prêt du MoMA de New York).
A mesure de son avancée, l'exposition met aussi en lumière l'influence des voyages. En Corse, en Bretagne et à Belle-Ile, Matisse découvre ainsi l'importance de la lumière et de la couleur, qui l'initient à l'impressionnisme de Monet.
Après une période de doute durant laquelle "il ne vend plus rien", Matisse parvient à rebondir en s'ouvrant progressivement au pointillisme, comme en témoigne le célèbre "Luxe, calme et volupté" (1904), autre pièce maîtresse de l'exposition. Une statuette africaine qu'il achète "sur un coup de tête" participera à la naissance du cubisme, dans lequel Picasso jouera aussi un grand rôle.
Deux dernières salles explorent le travail dans l'atelier et la transmission, à travers l'académie qu'il fonde en 1908. "Ses élèves peinent souvent à se détacher" de celui qui est déjà devenu un maître, rappelle M. Deparpe. Dans l'ultime dessin de l'exposition, Matisse les invite pourtant à "regarder le monde avec des yeux d'enfants".
Labellisée "d'intérêt national", l'exposition, qui s'ouvre samedi et pour laquelle la famille a également ouvert ses collections, espère attirer quelque 50.000 personnes.
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