Récompensé par le Grand prix du jury à Venise, le film du réalisateur franco-polonais, toujours poursuivi par la justice américaine dans le cadre de la procédure pour détournement de mineure lancée en 1977, arrive sur les écrans à l'heure où le mouvement #MeToo est revenu à la une en France après les déclarations d'Adèle Haenel accusant le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements" et de "harcèlement" alors qu'elle était adolescente.
Vendredi, une photographe française, Valentine Monnier, a affirmé dans le Parisien avoir été violée par Roman Polanski quand elle avait 18 ans, alors qu'elle était venue skier chez lui en Suisse avec une amie. Une accusation réfutée par l'avocat du cinéaste.
Elle n'a jamais porté plainte mais explique avoir voulu témoigner publiquement en raison de la sortie d'un film qui porte sur une erreur judiciaire, l'Affaire Dreyfus.
Thriller sur fond d'espionnage, "J'accuse", raconte ce scandale majeur de la IIIe République qui a duré douze ans (1894-1906), du point de vue du lieutenant-colonel Georges Picquart, chef des services de renseignement.
Personnage clé du dénouement de l'affaire, Picquart avait diffusé les preuves permettant d'innocenter le capitaine Dreyfus, Français d'origine alsacienne et de confession juive, injustement condamné.
Co-écrit par Roman Polanski et l'écrivain Robert Harris - avec qui le cinéaste avait déjà collaboré pour "The Ghost Writer" -, ce film ample, rigoureux et minutieusement composé, est solidement interprété par Jean Dujardin, tout en retenue dans le rôle du lieutenant-colonel Georges Picquart, tandis qu'Emmanuelle Seigner incarne sa maîtresse et Louis Garrel le capitaine Dreyfus.
"Histoire terriblement actuelle"
Annoncé depuis des années, initialement sous le titre "D.", et initialement prévu en anglais, ce film avait été repoussé à plusieurs reprises, jusqu'à ce que Roman Polanski décide de tourner en français cette histoire, qu'il juge "terriblement actuelle, vu la recrudescence de l'antisémitisme".
Malgré les lauriers - "J'accuse" avait été récompensé à la Mostra également par le prix Fipresci de la critique internationale -, le film avait aussi suscité des réserves, notamment parce que Roman Polanski avait dit à plusieurs reprises qu'il voyait dans cette affaire un écho à sa propre histoire, s'estimant "harcelé" et "persécuté".
"Je connais bon nombre de mécanismes de persécution qui sont à l'œuvre dans ce film", souligne le cinéaste de 86 ans dans le dossier de presse, estimant que "son +image+ a commencé à se former avec la mort de Sharon Tate", son épouse assassinée en 1969. La presse avait alors "insinué entre autres qu'il faisait partie des instigateurs de son meurtre".
Le magazine Variety avait notamment jugé à Venise "obscène" le parallèle dressé par Polanski entre sa situation et l'histoire de Dreyfus, "un homme innocent".
"Cas emblématique"
"Il y a dans le destin de Dreyfus certains aspects que je connais. Mais si on pense que je me compare à lui, je n'ai même pas envie d'en discuter, c'est complètement idiot !", a toutefois nuancé le cinéaste cette semaine dans Le Point.
La polémique l'avait rattrapé à Venise quand des féministes avaient regretté la sélection en compétition du réalisateur, qui a déjà été visé ces dernières années par trois autres accusations de viols, qu'il a réfutées.
En 2017, certaines féministes avaient manifesté en France contre une rétrospective à la Cinémathèque. La même année, il avait dû renoncer à présider les César.
Roman Polanski avait plaidé coupable en 1977 de détournement de mineure pour avoir eu des relations sexuelles illégales avec Samantha Geimer, âgée de 13 ans. Ce seul chef d'accusation retenu était le résultat d'un accord à l'amiable avec le juge, après que Polanski eut été inculpé initialement de chefs d'accusation plus graves, notamment viol d'une mineure sous l'emprise de stupéfiants.
Condamné à 90 jours de prison, il avait été libéré après 42 jours. Mais le juge avait ensuite estimé que la sentence était insuffisante. Polanski avait choisi de s'envoler pour la France. Il est depuis sous le coup d'un mandat d'arrêt.
Adèle Haenel a jugé lundi, sur Mediapart, que la situation de Roman Polanski constituait "malheureusement un cas emblématique" d'abus.
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