Les magistrats de la plus haute juridiction du Brésil ont mis fin à une jurisprudence selon laquelle une personne peut être emprisonnée avant l'épuisement de tous ses recours si sa condamnation a été confirmée en appel, considérant qu'elle était inconstitutionnelle.
La décision des 11 juges de la Cour suprême était très attendue et a été obtenue, après de longs débats, sur un score serré de 6 à 5 voix, et pourrait impliquer la libération de près de 5.000 autres détenus.
Ces libérations ne sont pas automatiques, chaque juge d'application des peines étant tenu d'appliquer la décision de la Cour suprême au cas par cas.
Lula, qui purge une peine de 8 ans et 10 mois de réclusion pour corruption, a été incarcéré en avril 2018, peu après sa condamnation en appel, même s'il dispose encore de recours devant des tribunaux supérieurs.
Immédiatement après le rendu de la décision, les avocats de la figure historique de la gauche brésilienne ont annoncé qu'ils allaient demander la libération de "l'ancien président emprisonné de manière injuste depuis 579 jours".
Parmi les détenus qui pourraient être également élargis prochainement figurent des dizaines de personnes condamnées comme l'ex-président âgé de 74 ans dans le cadre de l'enquête anticorruption "Lavage Express".
Les procureurs chargés de cette enquête ont immédiatement affirmé dans un communiqué que la décision de la Cour suprême allait à l'encontre "du sentiment de rejet de l'impunité" et de l'importance "du combat de la corruption, qui sont des priorités de notre pays".
Lula a été accusé d'avoir bénéficié d'un triplex dans une station balnéaire proche de Sao Paulo en échange de l'octroi de contrats à une compagnie du BTP.
Depuis sa cellule de la Police fédérale à Curitiba (sud), il n'a cessé de clamer son innocence, se disant victime d'un complot pour l'empêcher de revenir au pouvoir.
"Rude coup" pour Moro
Le juge Gilmar Mendes, un des six magistrats de la Cour suprême qui ont considéré que l'incarcération devait attendre l'épuisement de tous les recours, a affirmé jeudi lors de son vote que le cas Lula avait "contaminé les débats" en raison de la forte "polarisation" de la société brésilienne sur le sort de l'ex-président.
Gleisi Hoffmann, présidente du Parti des Travailleurs (PT), fondé par Lula en 1980, a célébré la décision de la Cour suprême sur Twitter, considérant qu'elle avait "renforcé la démocratie et la Constitution, menacées par le gouvernement d'extrême droite" du président Jair Bolsonaro.
Durant la campagne électorale, M. Bolsonaro n'avait pas caché son souhait de voir l'ex-président de gauche, sa bête noire, "pourrir en prison".
Lula était donné favori des sondages pour la présidentielle d'octobre 2018, à laquelle il n'a finalement pas pu participer, assistant impuissant à la victoire de Jair Bolsonaro.
Ce dernier a justement choisi pour ministre de la Justice Sergio Moro, ex-juge qui avait condamné Lula en première instance en juillet 2017.
La décision de la Cour suprême "est un rude coup pour Sergio Moro, qui était encore omnipotent il y a six mois", a tweeté jeudi soir le journaliste américain Glenn Greenwald, dont le site The Intercept Brasil est à l'origine de révélations remettant en cause l'impartialité de l'ancien juge.
Ce site d'investigation a commencé à publier en juin des échanges de messages montrant une connivence entre Sergio Moro et les procureurs chargés de l'opération "Lavage express".
Une libération de Lula rebattrait les cartes politiques au Brésil où l'opposition reste inaudible depuis l'entrée en fonction du président Bolsonaro en janvier.
Le Parti des Travailleurs (PT) cofondé par Lula, n'a pas enterré son chef historique et a toujours besoin de Lula, qui garde des millions de sympathisants, notammment dans le nord-est défavorisé, et n'a visiblement pas renoncé au combat politique.
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