Le mouvement de protestation entame jeudi sa quatrième semaine sans s'essouffler. Les manifestants sont de mieux en mieux organisés à travers tout le pays, ralliant de nouvelles catégories sociales avec chaque jour de nouvelles initiatives pour garder intacte l'ampleur de la mobilisation.
Depuis le 17 octobre, des centaines de milliers de personnes, toutes communautés confondues, se sont mobilisées pour dénoncer des dirigeants accusés de corruption et d'incompétence, dans un pays en proie à une grave crise économique.
Sacs à dos sur les épaules, brandissant des drapeaux libanais, allumant des fumigènes colorés, plusieurs milliers d'écoliers et d'étudiants se sont rassemblés jeudi matin devant le ministère de l'Education à Beyrouth, bloquant la circulation, d'après un correspondant de l'AFP.
"Tous, ce sont tous des voleurs", scande une jeune femme dans son mégaphone, assise sur les épaules d'un camarade devant la foule qui ne cesse de grossir.
"Ah, si on avait une classe politique jeune, cultivée (...) compétente", peut-on lire sur la pancarte d'un lycéen, un drapeau libanais sur ses épaules.
"Pouvoir corrompu"
"On va à l'école, on se fatigue et au final on va décrocher des diplômes, les accrocher à la maison sans rien en faire, ni travailler", déplore Marwa Abdel Rahmane, 16 ans.
Des cortèges estudiantins ont aussi défilé dans les rues, rythmés par les applaudissements et les sifflements des jeunes, qui ont chanté l'hymne national.
A Tripoli, deuxième grande ville du pays dans le nord, des centaines de jeunes se sont rassemblés sur la place Al-Nour, selon une correspondante de l'AFP. "Mouvement populaire, révolution", "révolution contre la corruption", "révolution contre les dirigeants", ont-ils martelé.
Ailleurs à Tripoli, des manifestants ont empêché l'ouverture des bureaux de la compagnie de téléphone publique Ogero et de certaines banques.
"Nous voulons faire pression sur la classe politique corrompue qui ne répond pas à nos demandes" s'insurge Samir Moustafa, un chômeur de 29 ans, devant une banque.
"Ils veulent nommer un Premier ministre issu de la veille garde, du pouvoir corrompu", regrette-t-il. "On va continuer à bloquer les banques et les administrations vitales jusqu'à la chute du Parlement et du président".
Le soulèvement a entraîné la démission du Premier ministre Saad Hariri et de son gouvernement --qui continue de gérer les affaires courantes.
Outre Beyrouth et Tripoli, d'autres manifestations estudiantines ont eu lieu à travers le pays, notamment dans les villes majoritairement chiite de Nabatiyé et Baalbek, deux bastions du puissant mouvement du Hezbollah, selon l'agence de presse ANI.
Mercredi soir, des milliers de femmes se sont rassemblées sur la place des Martyrs au coeur de Beyrouth, tenant dans leurs mains des chandelles allumées. Accompagnées par les vivats de la foule, les manifestantes ont tapé sur des casseroles dans un joyeux tintamarre.
"Tout le pouvoir est corrompu et on n'arrive pas à s'en débarrasser", lance la manifestante Hania, bougie à la main. "L'important c'est qu'ils entendent".
"Sombrer dans la pauvreté"
Les manifestants entendent maintenir la pression jusqu'à ce que toutes leurs demandes se concrétisent - notamment la formation d'un gouvernement de technocrates qui ne seraient pas issus du sérail politique traditionnel.
Les Libanais sont exaspérés par l'absence de services publics dignes de ce nom, avec notamment de graves pénuries d'eau et d'électricité.
La Banque mondiale a estimé mercredi que "l'étape la plus urgente" pour le Liban était "la formation rapide d'un gouvernement correspondant aux attentes de tous les Libanais".
En cas d'impasse persistante, la moitié de la population pourrait sombrer dans la pauvreté et le chômage "augmenter fortement", a averti l'institution, à l'issue d'une rencontre d'une délégation avec le président libanais Michel Aoun.
Selon la Banque mondiale, environ un tiers des Libanais vit déjà sous le seuil de pauvreté.
Mercredi, le chef de l'Etat a une fois encore assuré que le prochain gouvernement inclurait des "ministres compétents et à l'abri de tout soupçon de corruption". Mais plus d'une semaine après la démission de M. Hariri, la nomination d'une nouvelle équipe ministérielle se fait toujours attendre.
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