"Nous découvrons beaucoup de douleurs et de souffrances, beaucoup de vies abîmées (...). C'est une expérience dont on ne peut pas sortir inchangé ni indemne", résume M. Sauvé pour décrire ses premiers mois à la tête de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase).
Cette instance, à laquelle les quelque 120 évêques français ont donné leur feu vert l'an dernier, réunit une vingtaine de membres chargés de faire la lumière sur les crimes commis par des clercs ou des religieux depuis la fin des années 1950. Et de rendre des préconisations pour "début 2021", explique l'ancien vice-président du Conseil d'Etat à plusieurs médias, dont l'AFP.
Ses travaux ont commencé début juin par un appel à témoignages auprès de victimes, lesquelles, quand elles acceptent, sont longuement auditionnées. En quatre mois, 2.500 appels téléphoniques, mails et courriers ont été reçus; 800 personnes ont répondu à un questionnaire détaillé et environ 25 victimes ont été entendues.
La plupart sont des hommes (60%), agressés lorsqu'ils étaient mineurs (90%), affirme M. Sauvé. Ils ont aujourd'hui, à 85%, plus de 50 ans. Dans 88% des cas, il n'y a pas eu de procédure judiciaire. Et pour une "part significative", ce sont des personnes "qui n'en n'ont jamais parlé" à leurs proches.
"2.500 appels, ce n'est pas considérable", estime-t-il, au regard des 40 millions de personnes qui ont, selon lui, pu avoir approché, depuis les années 1950, de près ou de loin, la confession catholique (catéchisme, établissements scolaires, mouvements de jeunesse).
- Tâche colossale -
Et de rappeler l'ampleur "colossale" de la tâche qui attend sa commission, reçue jeudi en fin de matinée par les quelque 120 évêques catholiques de France réunis en assemblée plénière depuis mardi et jusqu'à dimanche.
Sa commission, indépendante mais dont le financement provient à la fois de la Conférence des évêques de France (CEF) et des congrégations et institutions religieuses, devra aussi évaluer les mesures prises par le clergé depuis les années 2000 face aux abus sexuels.
Samedi, l'épiscopat doit justement prendre une décision sur le versement d'une "somme" financière portant "reconnaissance de la souffrance subie par les victimes", une question sur laquelle travaillent depuis un an les évêques et des personnes victimes.
L'évêque Pascal Delannoy, responsable de cette question à la CEF, a affirmé jeudi devant la presse à Lourdes que cette "somme" --terme finalement préféré à celui d'"allocation"-- serait "forfaitaire", "unique" et "versée qu'une seule fois".
Elle ne serait "pas un dédommagement", lequel est "l'affaire des tribunaux", ni une "réparation d'un préjudice". "Nous parlons de la reconnaissance" de la souffrance, a-t-il dit.
Son montant fait partie des discussions. Il concernerait les victimes déjà passées par des procédures judiciaires ou celles pour qui les faits sont prescrits.
Les évêques devront aussi se prononcer sur la création d'un "fonds spécifique de dotation", alimenté par un appel aux dons permettant de financer cette allocation.
Ce dispositif, avant même d'avoir été voté, a fait réagir plusieurs victimes qui travaillent avec l'épiscopat sur le sujet, dont certaines sont présentes ce jeudi à Lourdes. Préférant un système d'indemnisation, avec barème, elles ont mis en garde contre un "forfait au rabais" et une simple opération "de communication".
M. Sauvé affirme que sa commission n'"a pas de commentaire à faire" sur ce sujet. "L'Eglise prend les décisions qui lui paraissent utiles et nécessaires". La Ciase les évaluera "comme l'ensemble des mesures prises par l'Eglise depuis 2000", dit-il.
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