Ces décisions ponctuent une longue séquence initialement voulue par l'exécutif, désireux de ne pas laisser ce thème à la droite et l'extrême droite, mais qui a dévié ces dernières semaines, notamment sur le port du voile et la laïcité.
Le Premier ministre devrait présenter, à l'issue d'un Comité interministériel sur l'immigration, une vingtaine de mesures déjà exposées lundi soir à une partie de la majorité présidentielle et qui ont largement fuité.
Parmi les plus controversées, figure l'instauration de "quotas" ou "objectifs chiffrés" d'immigrés "professionnels" qui vont être fixés chaque année, dès l'été 2020, pour que la "France recrute" en fonction de ses besoins de travail, a expliqué mardi la ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Mercredi matin, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a, elle, estimé que les quotas ne pouvaient "pas être la seule réponse" à la question, soulignant que "la France doit rester une terre d'accueil".
Sont prévues aussi l'instauration d'un délai de carence de trois mois avant que les demandeurs d'asile ne puissent accéder à la Protection universelle maladie (PUMa, la sécurité sociale de base), et la nécessité d'un accord préalable de la Sécu pour certains actes non-urgents dans le cadre de l'Aide médicale d'Etat (AME).
Quatre semaines après le premier débat annuel au Parlement sur l'immigration, Edouard Philippe a insisté mardi sur un plan d'ensemble qui se veut entre "ouverture" et "fermeté", avant un nouveau débat en 2020 pour évaluer l'impact des mesures.
Le sujet des quotas en matière d'immigration a resurgi en janvier, en pleine crise des "gilets jaunes", lorsqu'Emmanuel Macron, pourtant longtemps opposé à cette idée, avait évoqué dans sa lettre aux Français des "objectifs annuels".
"Affichage"
Le nombre de titres de séjours délivrés pour des raisons économiques (près de 33.502 en 2018) ne représente qu'une petite partie des quelque 255.956 titres octroyés en 2018, selon les chiffres officiels provisoires.
Ce qui a conduit le Rassemblement national à crier à "l'escroquerie politique". La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a dénoncé "un enfumage généralisé" qui amène, selon elle, a "encore plus d'immigration".
Un sentiment partagé au sein des Républicains, qui s'interrogent, comme leur président Christian Jacob, sur un éventuel "affichage", soulignant que LR est pour "pour une approche globale" de la question.
La droite, qui avait déjà portée en 2007 cette idée avec l'ex-président Nicolas Sarkozy, l'avait finalement abandonnée après un rapport en 2014 qui avait conclu à son inefficacité.
"Est-ce qu'avec six millions de chômeurs, l'urgence ce n'est pas de trouver de l'emploi aux Français ?", a affirmé mardi soir Marine Le Pen sur FranceInfo.
Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, s'est dit mercredi favorable à des quotas afin que le recrutement d'étrangers "soit beaucoup plus transparent, objectif, professionnel, planifié" en fonction des besoins de l'économie française.
Franck Trouet, du Groupement national des indépendants de l'hôtellerie-restauration, espère, lui, "un appel d'air" de plusieurs milliers de personnes qui va "consolider l'emploi de certains Français" en évitant de devoir supprimer des services faute de personnel.
"Subterfuge"
Yannick Jadot (EELV) s'est dit prêt à discuter des quotas s'ils permettent de "sortir du fantasme que nous sommes envahis" tout en espérant que ce ne sera pas un "subterfuge" du gouvernement "pour ne pas parler" des préoccupations sociales des Français.
La gauche accuse Emmanuel Macron de droitiser sa politique pour séduire un électorat qui s'est éloigné de LR.
Critiques aussi dans le monde syndical: Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s'est dit "choqué" par ces mesures, regrettant qu'on n'écoute pas plus les associations d'aide aux migrants et exclus qui, pour leur part, ont dénoncé des mesures "inutiles", voire "dangereuses".
Le chef de l'Etat est aussi accusé d'alimenter des débats qui feraient le jeu de Marine Le Pen, donnée au coude-à-coude avec lui au premier tour en 2022 par deux récents sondages.
"Macron a choisi son assurance vie: elle s'appelle Marine Le Pen", a affirmé mardi le député PCF Sébastien Jumel.
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