"Installer le terme de quota au milieu de la politique publique d'immigration, c'est la promesse de polémiques sans fins et d'une efficacité totalement douteuse", prévient Pierre Henry, directeur général de France Terre d'Asile.
Mardi matin, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a confirmé que des "quotas" ou "objectifs chiffrés" d'immigrés "professionnels" allaient être fixés chaque année dès 2020 pour que la "France recrute" en fonction de ses besoins de travail.
Cette mesure devrait être annoncée avec d'autres mercredi à l'issue d'un Comité interministériel.
Ces quotas ne concerneraient qu'une petite partie de l'immigration: 34.000 titres de séjours "professionnels" sur 260.000 octroyés au total en 2018. Bien moins que le nombre accordés aux étudiants, aux conjoints ou aux réfugiés.
"Le débat n'est pas très clair", s'inquiète Cyrille de Billy, secrétaire général de la Cimade. "Est-ce que cela n'annonce pas derrière l'ouverture d'un autre débat pour toucher à l'immigration familiale ou au droit d'asile?", abonde Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile.
La perspective hérisse les associations. "La France violerait alors ses obligations internationales, sur le droit d'asile et la famille notamment", préviennent M. Henry et de Billy.
Par ailleurs, note le second, "il est très périlleux de déterminer à l'avance le niveau d'activité économique", en particulier pour de la "main d'œuvre non qualifiée" et dans "des secteurs économiques peu régulés et flexibles".
Les exécutifs précédents ne s'y étaient pas risqués. En 2008, sous Nicolas Sarkozy, une commission chargée par le gouvernement de plancher sur les quotas d'immigration les avait jugés "inefficaces", "irréalisables ou sans intérêt".
- "Non sens" -
Les associations sont également vent debout contre plusieurs autres mesures attendues mercredi, notamment les restrictions dans l'accès aux soins.
Le gouvernement prévoit ainsi l'instauration d'un délai de carence de trois mois avant que les demandeurs d'asile ne puissent accéder à la Protection universelle maladie (PUMa, la sécurité sociale de base), et la nécessité d'un accord préalable de la Sécu pour certains actes non-urgents dans le cadre de l'Aide médicale d'Etat (AME).
"Le gouvernement instrumentalise la politique de la santé à des fins migratoires", dénonce Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de solidarités (FAS) qui regroupe plus de 800 associations et organismes de lutte contre l'exclusion.
"C'est un non sens", déplore M. Henry, car "ce sont des dispositifs de santé publique qui nous protègent tous".
"Les demandeurs d'asile arrivent après des mois ou années d'errance, de traumatismes, et ont besoin de soins. Certains ont des maladies respiratoires, la gale ou la tuberculose, qui doivent être traitées rapidement", souligne M. Guéguen.
"Ce délai est indigne, choquant, et très dangereux pour la santé publique", abonde Bruno Morel, directeur général d'Emmaüs Solidarité, qui se dit "extrêmement inquiet".
"Au final, l'Etat ne fera pas d'économies, au contraire: plus on soigne tardivement, plus ça coûte cher", ajoute M. Guéguen. Quant à ceux qui ont besoin de soins rapidement, ils iront aux urgences, "qui vont se retrouver encore plus chargées alors qu'elles sont déjà en crise", regrette-t-il.
Toutes ces mesures témoignent selon ces associations d'une "vision idéologique" voire d'une instrumentalisation "électoraliste" de l'immigration.
"Aucune politique répressive ne va changer le phénomène migratoire, des gens continueront d'arriver", note M. de Billy, qui souligne que loin des craintes d'"invasion", le solde migratoire est resté, hormis en 2016 marquée par une poussée due au conflit syrien, "assez stable ces dernières années".
"Il vaut mieux être pragmatique", ajoute-t-il, "et faire en sorte que ça se passe au mieux" en augmentant les dispositifs d'accueil, plutôt que de les diminuer et laisser émerger "des zones de précarité et de non droits".
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