Simona, Chérif, Marie, Ouloumé, Tahar, Fabien, Pape Magatte et Julien: sans-papiers ou artistes, étudiante ou mère de famille, Français, Italienne ou Tunisien: huit personnes ont perdu la vie sous les gravats des 63 et 65 rue d'Aubagne, à quelques encablures du Vieux Port, en plein cœur de la deuxième ville de France.
Mardi, à 09H05 précises, un an après la catastrophe, à quelques mètres du trou béant laissé par les immeubles, un demi-millier de personnes ont observé huit minutes de silence sous une banderole "ni oubli, ni pardon". Huit torches ont été allumées en mémoire des morts. Des fleurs et des bougies ont été déposées sur la petite place en haut de la rue.
Plusieurs proches des victimes, certains en larmes, se tenaient au milieu d'une foule cosmopolite à l'image de ce quartier populaire.
"C'est pas possible qu'un truc comme ça arrive en France, c'est un drame humain, ils avaient rien demandé", a déclaré Saïda, cousine de l'une des victimes. Après le silence, des cris de colère ont retenti dans la foule: "la mairie, coupable, la métropole, coupable".
A Marseille, ville de quelque 860.000 habitants, 100.000 personnes vivent encore dans des taudis, selon la Fondation Abbé Pierre. Ils sont 1,3 million en France à occuper "des logements menaçant leur santé et leur sécurité".
"Marseille ne les oublie pas"
Le maire LR de Marseille, Jean-Claude Gaudin, au pouvoir depuis un quart de siècle et dont la gestion de la crise et des problèmes d'habitat a été étrillée depuis les effondrements, s'est recueilli séparément, derrière les murs de l'hôtel de ville et les barrières qui l'entourent, à un kilomètre de là.
"En un an nous aurons pris quantité de décisions sur l'habitat insalubre, c'est un problème national", a déclaré l'édile, avant de dévoiler une plaque recouverte des couleurs bleu et blanc de la ville, portant les noms des victimes et assurant que la ville "ne les oublie pas". Elle sera prochainement installée "sur les lieux du drame".
A ses côtés, plusieurs de ses adjoints ainsi que la présidente LR du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille et candidate aux municipales Martine Vassal.
Au-delà du recueillement, l'enquête judiciaire se poursuit pour tenter de déterminer d'éventuelles responsabilités quant à l'effondrement de ces immeubles, dont l'un, vide, appartenait à la ville. Des experts avaient alerté à plusieurs reprises sur la gravité de la situation.
Murs qui bougeaient et se fissuraient, portes d'entrée qui ne fermaient plus, eau qui suintait dans les appartements, ou stagnait dans les caves: "Tous les experts (...) intervenus depuis 2005 avaient unanimement signalé" le délabrement du 65 rue d'Aubagne, selon le rapport d'expertise remis aux trois juges d'instruction menant l'enquête.
"De 2005 à 2018, l'aggravation des désordres avait conduit en différentes occasions à leur signalement, tant auprès des intéressés concernés (syndic-propriétaires) qu'auprès des services de sécurité de la ville de Marseille, sans qu'aucune action technique, efficace et adaptée à la gravité évidente de la situation (...) ne soit finalisée", insiste ce document.
Plus largement, un an après les effondrements, la deuxième ville de France est loin d'en avoir terminé avec le fléau de l'habitat insalubre. Depuis un an, plus de 3.200 personnes ont été évacuées, à travers la ville, dans 370 immeubles frappés d'arrêtés de péril. Plus de 300 sont encore en attente de relogement.
Pour les habitants de Noailles, la mairie a abandonné les plus pauvres. "Dans ce quartier du centre-ville, il n'y a que 4% de logements sociaux", accusait lundi Emmanuel Patris, du collectif Un Centre Ville Pour Tous: "Ici, le parc social, c'est l'habitat indigne".
Une "grande marche contre le mal logement" sera organisée samedi à Marseille.
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