Erigés en "héros" depuis leur triomphe samedi (32-12) contre l'Angleterre en finale de l'édition japonaise du tournoi mondial, les premiers joueurs du XV sud-africain sont attendus en fin de journée à l'aéroport de Johannesburg.
Le sélectionneur Rassie Erasmus et le capitaine noir des "Boks" Siya Kolisi doivent ouvrir le bal par une conférence de presse.
Sitôt réunis sur le sol national - l'arrière-garde des joueurs ne doit rentrer que mercredi - les Springboks entameront dès jeudi une série de parades populaires qui doivent les mener à Pretoria, Johannesburg, Soweto, Durban, East London, Port-Elizabeth jusqu'au Cap lundi prochain.
Des dizaines de milliers de fans sont espérés sur leur route. Lundi encore, le gouvernement a exhorté la population à réserver un "accueil de héros" à l'équipe, désormais affublée du mot-dièse #PlusFortsEnsemble.
Après ceux de 1995 et 2007, ce troisième titre mondial ne pouvait pas mieux tomber dans une Afrique du Sud en proie aux difficultés, à la déprime et au doute vingt-cinq ans après l'avènement tant attendu de la démocratie.
Un an après son élection, l'apparition lors de la finale 1995 du premier président noir du pays Nelson Mandela revêtu de la tunique verte de l'équipe nationale d'un rugby longtemps réservé aux Blancs avait fait souffler un vent d'espoir.
Il est aujourd'hui largement retombé. L'économie stagne, le chômage frôle les 30%, la pauvreté persiste et les inégalités se creusent, au point de faire de la première puissance industrielle du continent africain, dixit la Banque mondiale, le champion planétaire des inégalités, sociales comme raciales.
De plus en plus contesté, le gouvernement noir n'a pas manqué de se saisir du triomphe de ses rugbymen - contre tous les pronostics - sur ceux de l'ex-puissance coloniale.
Le "rêve" Kolisi
"A l'heure où l'Afrique du Sud vit des défis considérables, nous nous sommes tous retrouvés autour de cette victoire au Japon", s'est réjoui lundi le président Cyril Ramaphosa.
"Samedi fut un jour de triomphe en ce qu'il a confirmé que nous sommes bien une nation, déterminée à puiser son unité dans sa diversité, ainsi que notre équipe nationale de rugby en a donné l'exemple", a poursuivi le chef de l'Etat.
Dans un pays toujours malade de ses relations raciales, il a naturellement insisté sur la force du "symbole" Siya Kolisi.
Né dans un township pauvre de la banlieue de Port-Elizabeth, le troisième ligne âgé de 28 ans est devenu le premier joueur noir à diriger une équipe qui les a délibérément interdit dans ses rangs pendant quatre-vingt-dix ans.
"C'est le rêve d'un jeune homme d'origine modeste de porter le maillot vert et or et le rêve d'un pays qui lui a permis de le réaliser", a résumé Cyril Ramaphosa.
Dès le coup de sifflet final samedi, Siya Kolisi n'a pas hésité à endosser lui-même le costume de nouvelle icône de la "nation arc-en-ciel" rêvée par Nelson Mandela.
"Nous venons d'origines différentes, de races différentes mais nous nous sommes rassemblés avec un but unique et nous voulions l'atteindre", a-t-il lancé, très politique, en bord de terrain. "Ca montre que si on tire tous dans le même sens, on peut réussir quelque chose".
Mais, derrière la ferveur suscitée par ce titre mondial, la réalité raciale du rugby sud-africain reste plus contrastée.
Lors de leur premier titre mondial, les Springboks n'accueillaient encore qu'un seul joueur noir. Il a fallu une politique récente et très controversée de quotas pour qu'ils soient six - pas même la moitié - à débuter la finale contre l'Angleterre.
Et juste avant la Coupe du monde, un des vainqueurs de Yokohama, le Blanc Eben Etzebeth, a été accusé de propos racistes. De quoi refroidir les discours les plus enthousiastes...
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