Les Springboks l'avaient alors emporté (15-6) en France face au XV de la Rose, tenant du titre, dans une finale cadenassée à double tour.
Douze ans plus tard, le rugby défriche de nouveaux territoires, avec ce premier Mondial organisé en dehors du cercle des puissances historiques, mais le trophée Webb-Ellis devrait de nouveau choisir son camp à l'issue d'un bras de fer intense, à la force des avants, entre les deux équipes les plus puissantes et rugueuses du plateau international.
Sous la houlette d'Eddie Jones, appelé au chevet après le fiasco du Mondial-2015, où elle a été éliminée, à domicile, pour la première fois de son histoire dès la phase de poules, l'Angleterre a retrouvé tout son mordant.
Le technicien australien en a fait une machine rodée, sûre de son jeu et de ses forces: un paquet d'avants féroce et des arrières cliniques, parfaitement menés tactiquement.
Depuis le premier jour de sa prise de fonctions, Jones clame vouloir apporter, à Yokohama (banlieue de Tokyo), une deuxième couronne mondiale à l'Angleterre, seule équipe de l'hémisphère Nord titrée en huit éditions.
L'Angleterre vise le Grand Chelem sudiste
Pour cela, il a minutieusement balisé le chemin, conçu comme une patiente progression, avec ses succès fondateurs, dont le Grand Chelem dans le Tournoi des six nations en 2016, quelques mois après son arrivée, et ses coups de mou, prévus selon lui, à l'instar de la série de cinq défaites en 2018.
"Jugez-moi sur la Coupe du monde", lançait-il alors. L'heure du jugement est arrivée, et pour aller au paradis, Jones et les Anglais devront réaliser un inédit et incroyable "Grand Chelem" des nations du Sud.
Ils ont balayé l'Australie en quarts de finale (40-16) puis étouffé la Nouvelle-Zélande (19-7), double tenante du titre battue pour la première fois depuis 2007 dans la compétition, et désormais se dresse en effet devant eux l'ogre sud-africain.
Son redressement est encore plus spectaculaire: il y a moins de deux ans, les Springboks achevaient deux années catastrophiques, marquées par des défaites historiques, dont la plus lourde de leur histoire (57-0 en Nouvelle-Zélande en septembre 2017) et leur première en Italie (20-18 en novembre 2016).
Pour nettoyer la maison verte, les dirigeants ont rapatrié Rassie Erasmus et lui ont donné les pleins pouvoirs, avec une double casquette de sélectionneur et de directeur du rugby de la fédération.
Face au peu de temps imparti, il est allé à l'essentiel, remettant de l'ordre dans les rangs et dans le jeu, en recentrant les Sud-Africains sur leurs points forts traditionnels, une conquête d'airain, un paquet d'avants féroce et un jeu au pied d'occupation précis.
Les Boks pour égaler les Blacks
Ces atouts, non négligeables dans un sport où la dimension physique est primordiale, leur ont permis de ramener à la raison le Japon en quarts de finale (26-3) puis de forcer le verrou gallois (19-16).
Avec leurs six avants massifs sur le banc, les Boks compteront de nouveau dessus à Yokohama, où leur deuxième ligne Lood De Jager a prévu de "combattre, par le feu, le feu" anglais.
Pour décrocher un troisième titre après 1995, au sortir de l'Apartheid, et 2007, donc, et rejoindre ainsi la Nouvelle-Zélande (1987, 2011 et 2015) au panthéon. Un titre sud-africain tous les douze ans, un signe ?
Ils l'espèrent, et ainsi briser une autre statistique, selon laquelle aucun champion du monde n'a perdu en poules -- ils se sont eux inclinés face aux All Blacks lors de leur premier match.
Et ainsi aussi, dans un pays où le rugby est un catalyseur d'unité, "faire oublier aux gens les tracas de la vie pour quelques minutes, heures, jours ou mois", selon Erasmus. Guidés par Siya Kolisi, qui pourrait devenir le premier capitaine noir de l'Afrique du Sud à soulever le trophée Webb-Ellis.
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