Voici le récit, basé sur les dépêches d'archives de l'AFP, de ce qui fut l'un des événements majeurs de la Révolution islamique d'Iran et le symbole de la confrontation entre ce pays et le "Grand Satan" américain.
Yeux bandés, mains liées
Le 4 novembre 1979, sept mois après la proclamation de la République islamique, entre 300 et 400 "étudiants islamiques" en route vers une manifestation prévue à l'université prennent soudain d'assaut l'ambassade américaine dans le centre de Téhéran.
Ils se présentent comme des "étudiants islamiques suivant la voie de l'imam" Khomeiny. Ils exigent l'extradition de l'ex-chah Mohammad Reza Pahlavi, contraint de quitter le pays en janvier après des mois de manifestations et soigné depuis deux semaines aux Etats-Unis.
Armés de gourdins, les étudiants envahissent la chancellerie, après trois heures de résistance au cours desquelles des marines ont tiré quelques grenades lacrymogènes avant d'être pris en otage, raconte un journaliste de l'AFP sur place.
Les étudiants emmènent leurs prisonniers, les yeux bandés et les mains liées, des bureaux du consulat vers un autre local de l'ambassade.
Devant l'ambassade, une potence a été dressée. Au bout de la corde pend une pancarte: "Pour le chah". A côté, un drapeau américain brûle devant les poings tendus de centaines de manifestants venus soutenir, de l'extérieur, les occupants de l'ambassade, décrit un autre reporter de l'AFP.
"Allah Akbar"
Le drapeau américain est remplacé par une étoffe blanche frappée des mots "Allah Akbar" ("Dieu est le plus grand").
Attaché aux grilles cadenassées, un haut-parleur hurle des slogans anti-américains, entre un verset du Coran et un chant révolutionnaire, assourdissant les policiers et Gardiens de la Révolution qui montent la garde devant un mur couvert d'inscriptions anti-américaines.
Derrière ce mur, des étudiants barbus armés de gourdins et des étudiantes en tchador arborant un grand portrait de l'imam Khomeiny sur la poitrine déambulent dans les allées du parc de l'ambassade des Etats-Unis. Du pain, des cartons pleins de sandwiches leur sont passés à travers les grilles.
Le régime se radicalise
Aux cris de "Marg bar Amrika" ("Mort à l'Amérique"), les Iraniens manifestent en masse leur soutien à l'occupation de l'ambassade, qualifiée de "seconde révolution" par l'ayatollah Khomeiny.
Ses partisans la mettent à profit pour en finir avec le gouvernement de Mehdi Bazargan, mis en place peu après la victoire de la Révolution islamique mais jugé enclin à composer avec les Etats-Unis.
Le 6 novembre, Bazargan démissionne de son poste de Premier ministre. Le Conseil de la révolution prend les commandes du pays.
L'Iran refuse toute livraison de pétrole aux Etats-Unis. Washington décrète un embargo sur les biens de consommation et gèle les avoirs bancaires iraniens.
En avril 1980, le président américain Jimmy Carter rompt les relations diplomatiques avec l'Iran et impose un embargo commercial.
Le fiasco d'"Eagle Claw"
Le 25 avril, une tentative de libération des otages par des forces spéciales américaines tourne au désastre dans le désert iranien, près de Tabas (nord-est).
L'opération "Eagle Claw" ("serre d'aigle") est mise en échec par des tempêtes de sable et des problèmes mécaniques. Trois hélicoptères tombent en panne et un quatrième entre en collision avec un avion de transport de troupes, tuant huit soldats américains. L'ayatollah Khomeiny y voit une punition divine.
Les otages, dont certains avaient été libérés au fil des mois pour raisons humanitaires, sont aussitôt dispersés dans plusieurs villes d'Iran, notamment dans la ville sainte de Qom, à 100 km au sud de Téhéran.
Le 27 juillet, l'ex-chah meurt au Caire, après 18 mois d'exil.
Fin de 444 jours de calvaire
En septembre 1980, l'imam Khomeiny pose quatre conditions à la libération des otages: la restitution des biens de l'ex-chah, le dégel des avoirs iraniens aux Etats-Unis, l'annulation des demandes de dommages à l'Iran par les Américains et le respect de la non-ingérence en Iran.
Le 19 janvier 1981, un accord est conclu entre Téhéran et Washington, grâce à une médiation algérienne. Le 20, les 52 derniers otages sont libérés, le jour même de l'investiture de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis.
L'ex-représentation américaine, "nid d'espions" dans la terminologie officielle, abrite aujourd'hui le "Musée-jardin anti-arrogance" retraçant notamment les "crimes" américains contre l'Iran.
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