Le président Michel Aoun a implicitement accepté cette démission en assurant dans un communiqué qu'il avait "demandé au gouvernement de poursuivre la gestion des affaires courantes jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement", conformément à la Constitution.
Après deux semaines d'une mobilisation sans précédent au Liban, la quasi totalité des accès à la capitale ont été débloqués, permettant une reprise de l'activité après une longue paralysie.
L'armée a rouvert sans incident le passage de Jal al-Dib, au nord de la capitale, où les forces de l'ordre ont pris position sous le regard de quelques dizaines de manifestants.
Des protestataires, qui s'étaient allongés le matin sur le pont autoroutier de Beyrouth pour continuer de bloquer les voies, ont été délogés sans violence quelques heures plus tard.
Avec le déblocage des routes, le ministère de l'Education a annoncé la réouverture à partir de jeudi des écoles et des universités. Les banques devraient rouvrir vendredi après 12 jours de fermeture, selon l'Association des banques du Liban (ABL).
En annonçant mardi sa démission face à la colère populaire, M. Hariri a déclenché des scènes de liesse dans tout le Liban, où des manifestants réclament depuis le 17 octobre le départ de l'ensemble de la classe politique dans une ambiance festive.
"La pression va continuer"
Sa démission ne semble toutefois pas à même de répondre seule à la colère accumulée contre des dirigeants accusés d'incompétence et de corruption dans un pays aux services publics en déliquescence.
Mohammed, un officier de l'armée à la retraite, est retourné mercredi sur la place des Martyrs, coeur de la contestation à Beyrouth.
"Hariri a pris une bonne décision en démissionnant, mais nous voulons maintenant des élections anticipées et le retour de l'argent volé", explique-t-il.
Pour Charbel, 26 ans, drapeau libanais sur les épaules, "cette démission ne sera pas suffisante pour nous faire quitter les rues, la pression va continuer".
Parmi les cris de joie saluant la démission de M. Hariri, le slogan "Tous veut dire tous" a été immédiatement repris pour signifier le désir d'un changement radical de la classe politique.
Celui-ci est loin d'être acquis, comme l'a prouvé la violente attaque perpétrée mardi à Beyrouth contre un des principaux lieux de rassemblement par des partisans du Hezbollah chiite pro-iranien et de son allié Amal, opposés à la contestation.
La démission n'était souhaitée ni par M. Aoun ni par son allié le Hezbollah, seul parti encore armé au Liban, dont le leader Hassan Nasrallah a mis en garde contre le risque de "chaos".
Le plus honni
"Hariri renverse la table pour mieux négocier son retour", estime le quotidien francophone L'Orient le Jour.
Selon la presse, M. Hariri pourrait en effet tenter de monter une nouvelle équipe, formée en majorité de technocrates reconnus pour leur compétence, mais devrait se heurter à des résistances politiques. Il pourrait alors jeter l'éponge s'il n'obtient pas gain de cause, estiment des commentateurs.
De plus, selon la presse, M. Aoun refuse de "sacrifier" son gendre, le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, sans doute la personnalité la plus honnie des manifestants qui le considèrent comme corrompu et "arrogant".
La donne est encore compliquée par le système libanais selon lequel le poste de Premier ministre revient à un sunnite. Or, M. Hariri est l'une des rares personnalités politiques de premier plan dans cette communauté.
La révolte a toutefois fait émerger le nom de la ministre de l'Intérieur Raya al-Hassan, une sunnite de 52 ans dont l'action a été saluée en raison de la modération et de la neutralité des forces de l'ordre.
Pour l'analyste Karim Bitar, il se peut que la démission de M. Hariri "permette à la classe politique de gagner du temps et que ce soit en quelque sorte une manœuvre dilatoire destinée à démobiliser l'opinion publique (...) Il faut donc rester extrêmement méfiant".
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