Massés sur la place Tahrir à Bagdad et dans différentes villes du sud du pays, les manifestants ont bravé le couvre-feu ces deux dernières nuits et surveillent les manoeuvres politiques, prévenant déjà qu'ils n'accepteront rien de moins que le départ de tous les responsables.
Dans la nuit, le chef des paramilitaires du Hachd al-Chaabi au Parlement, Hadi al-Ameri, qui avait jusque-là soutenu M. Abdel Mahdi, a dit accepter de "travailler avec" l'influent leader chiite Moqtada Sadr, qui réclame depuis début octobre la démission d'un gouvernement qu'il avait aidé à former il y a un an.
Mercredi, Moqtada Sadr a pressé M. Ameri de passer à l'action, sous peine de "transformer l'Irak en Syrie ou en Yémen" --deux pays où des révoltes contre le pouvoir ont tourné à la guerre civile.
"Le pouvoir au peuple"
Le sort de Adel Abdel Mahdi, un indépendant sans base partisane ni populaire de 78 ans, est maintenant entre les mains du Parlement, en séance ouverte jusqu'à nouvel ordre.
Cette Assemblée l'a déjà appelé mardi à se présenter "immédiatement" devant elle pour ce qui pourrait se transformer en séance de questions puis en vote de défiance, ont assuré plusieurs députés.
M. Abdel Mahdi n'a jusqu'ici pas réagi à cet appel. Le Parlement n'a pas, non plus, indiqué le moment de la reprise de sa séance.
"Mais normalement, celui qui a le pouvoir, c'est le peuple! C'est lui qui les a tous amenés au pouvoir!", s'époumone Athir Malek, venu de Diwaniya, à 200 km au sud de Bagdad, afin de se mêler à la foule place Tahrir.
"Ils vont remplacer Abdel Mahdi pour amener quelqu'un d'un autre parti qui sera pareil", craint cet Irakien de 39 ans.
"On veut récupérer le pays qu'ils nous ont volé", poursuit Hussein Nouri, un autre manifestant, âgé de 55 ans.
"C'est à cause d'eux qu'on manque d'écoles et d'hôpitaux, alors il faut qu'ils démissionnent tous et que soit formé un gouvernement de salut national", renchérit Alaa Khdeir, 63 ans.
Depuis le début du mouvement le 1er octobre, les manifestants irakiens n'ont cessé de répéter qu'ils refusaient toute récupération politique.
Pour eux, la chute du gouvernement ne suffit pas. Il faut renouveler la totalité de la classe politique arrivée au pouvoir à la chute du dictateur Saddam Hussein en 2003 et inchangée depuis.
Ils veulent, disent-ils, en finir avec le compliqué système de répartition des postes par confession ou par ethnie rongé par le clientélisme et qui tient toujours à l'écart les jeunes, pourtant majoritaires dans la population.
Pour eux, il faut une nouvelle Constitution et surtout que les "gros poissons" de la corruption rendent l'équivalent de deux fois le PIB de l'Irak, deuxième producteur de l'Opep, une somme évaporée depuis 2003 dans un pays présenté comme l'un des plus corrompus au monde.
"Pause"?
Sur la place Tahrir, les manifestants, qui n'ont jamais été si nombreux, plaident pour continuer ce premier mouvement social spontané post-Saddam, affichant leur détermination malgré les violences.
La première semaine de contestation, du 1er au 6 octobre, s'est soldée par la mort, officiellement, de 157 personnes, quasiment toutes des manifestants abattus par des tireurs que l'Etat n'a toujours pas identifiés ou arrêtés.
La deuxième, débutée jeudi dernier, a semblé moins sanglante et plus festive, avec des manifestations monstre dans la liesse et des piquets de grève qui ont paralysé universités, écoles et administrations. Des violences nocturnes ont toutefois eu lieu contre des QG de partis et de milices.
La démission ou le limogeage de M. Abdel Mahdi serait "vu comme un tournant par les manifestants", affirme à l'AFP Maria Fantappie, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
Mais cela pourrait marquer "une pause" plutôt qu'une "fin du mouvement", prévient cette spécialiste, car en occupant en permanence les places de grandes villes du pays, les Irakiens "marquent leur présence" face à leurs dirigeants.
Surtout, affirme Mme Fantappie, "un scrutin à venir avec la même loi électorale amènerait les mêmes visages au Parlement et les mêmes tractations (...) pour trouver un Premier ministre", dans une Assemblée fracturée dont les membres s'accusent mutuellement d'allégeance à l'Iran, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite ou la Turquie, entre autres.
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