Plus d'un million de personnes se sont rassemblées vendredi dans le centre de Santiago et dans plusieurs grandes villes du pays pour exprimer leur volonté de changement face aux inégalités d'un modèle économique ultra-libéral instauré sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990) et jamais remis en cause depuis le retour de la démocratie.
"J'ai demandé à tous les ministres de remettre leur démission pour pouvoir former un nouveau gouvernement et pouvoir répondre à ces nouvelles demandes", a déclaré le chef de l'Etat dans un message à la nation depuis le palais présidentiel de La Moneda.
"Nous sommes dans une nouvelle réalité. Le Chili est différent de celui que nous avions il y a une semaine", a-t-il ajouté. Vendredi, il avait déjà assuré avoir "entendu le message" des protestataires.
Il s'agit du troisième remaniement du gouvernement du président conservateur depuis sa prise de fonction en mars 2018.
Les annonces du président chilien marque un revirement spectaculaire avec le ton adopté il y a une semaine à l'éclatement de violentes émeutes à Santiago et dans plusieurs grandes villes, point de départ d'une vague de contestation sociale sans précédent dans ce pays de 18 millions d'habitants.
M. Pinera, un richissime homme d'affaires qui avait déjà été à la tête du Chili entre 2010 et 2014, avait considéré que son pays était en "guerre" et décrété l'état d'urgence, permettant le déploiement 20.000 militaires et policiers dans le rues du pays, une première depuis la fin de la dictature.
Autre signe évident d'une volonté d'apaisement, M. Pinera a annoncé une levée de l'état d'urgence dimanche si "les circonstances le permettent" afin de "contribuer à cette normalisation que tant de Chiliens désirent et méritent".
L'armée avait annoncé peu avant la suspension du couvre-feu en vigueur dans la capitale depuis une semaine.
Retour à la normalité
Un retour progressif à la normalité s'observait dans les rues de Santiago. Le métro, fortement endommagé aux premiers jours de la contestation, fonctionnait désormais partiellement sur cinq lignes, sur un total de sept.
Les bus circulaient à 98% de leur capacité et de nombreux commerces ont rouvert leurs portes. Des habitants s'activaient dans divers quartiers à nettoyer les rues.
Depuis une semaine, les protestataires ont fermement maintenu la pression sur le pouvoir chilien. L'annonce mardi par M. Pinera d'une série de mesures sociales, dont une augmentation du minimum vieillesse, une hausse des impôts des plus riches, et un gel des prix de l'électricité, n'avait pas apaisé la fronde sociale.
Le détonateur de la contestation avait été l'augmentation de plus de 3% du prix du ticket de métro dans la capitale. Malgré la suspension de la mesure, la colère sociale n'est pas retombée.
Le mouvement, hétérogène et sans dirigeants identifiables, s'est amplifié, également nourri par le ressentiment à l'égard de l'élite politique et économique, jugée déconnectée de la réalité quotidienne de la majorité des Chiliens.
L'énorme mobilisation de vendredi "constitue un point d'inflexion après trente années marquées par une dépolitisation croissante depuis 1989", lorsque que commençait la transition démocratique mettant fin au régime d'Augusto Pinochet, a déclaré à l'AFP Marcelo Mella, politologue à l'Université de Santiago.
Elle constitue une "sorte de deuxième transition", en faveur d'"une société moins inégale avec des droits plus forts", a-t-il ajouté.
Face à la multiplication des allégations de violations présumées des droits de l'homme sous le régime de l'état d'urgence, la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Michelle Bachelet, qui fut à deux reprises président du Chili, a annoncé l'envoi d'une mission d'enquête.
Les enquêteurs sont attendus lundi dans le pays. Amnesty International a également annoncé l'envoi du mission au moment où "le monde a les yeux tournés vers le Chili".
Le pays sud-américain doit accueillir en novembre une réunion du forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) et en décembre le sommet mondial sur le climat COP 25. Pour l'heure, ces deux rencontres sont maintenues malgré la crise.
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