Déployées en force, les policiers anti-émeutes ont tiré des gaz lacrymogènes pour tenter de les disperser et de les éloigner de cette Zone verte, où siègent le pouvoir irakien et l'ambassade des Etats-Unis, selon des correspondants de l'AFP sur place.
Dès jeudi soir, des manifestants se sont rassemblés sur l'emblématique place Tahrir à Bagdad. Certains y ont passé la nuit et d'autres les ont rejoints vendredi matin.
Ils n'ont qu'un mot d'ordre, "la chute du régime des voleurs", dans un riche pays pétrolier en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable et, surtout, miné par la corruption.
Dans la nuit également, des dizaines de manifestants avaient été repoussés aux portes de la Zone verte à coup de canons à eau et de grenades lacrymogènes.
Déclenchées spontanément le 1er octobre par des appels sur les réseaux sociaux, les manifestations avaient été marquées jusqu'au 6 octobre par la mort de 157 personnes, quasiment tous des manifestants et en très grande majorité à Bagdad, selon le bilan officiel.
Mises en alerte en prévision d'une reprise des manifestations de nouveau en réponse à des appels sur les réseaux sociaux, les forces de l'ordre ne cessent d'assurer qu'elles sont là pour "protéger" les manifestants.
Vendredi, de nombreux partisans du leader chiite Moqtada Sadr doivent se joindre à ce mouvement de contestation spontané, inédit en Irak.
"Ma part du pétrole"
"Je veux ma part du pétrole", a dit à l'AFP une manifestante sur la place Tahrir, alors que 20% de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Pour un autre protestataire, la question est plus large. "On n'a pas faim, on réclame la dignité. On a seulement besoin d'un pays, c'est tout", s'époumone-t-il, sans "les soi-disant représentants du peuple qui ont accaparé toutes les ressources".
Des manifestations ont également eu lieu dans la nuit dans plusieurs villes du sud du pays, comme début octobre.
Face à la contestation qui s'est interrompue le temps du plus important pèlerinage du calendrier chiite pour reprendre le jour du premier anniversaire de l'entrée en fonctions du gouvernement d'Adel Abdel Mahdi, la mobilisation générale des forces de sécurité a été décrétée.
Car aujourd'hui, Moqtada Sadr entend mettre tout son poids dans le mouvement de contestation. En 2016, ses partisans avaient déjà pris la Zone verte et occupé l'ensemble des institutions du pays.
Faisant monter d'un cran la pression sur les autorités vivement critiquées pour le bilan sanglant des manifestations d'octobre, il a demandé à ses combattants de se tenir prêts à "protéger les manifestants".
Vendredi aussi, un sermon doit être prononcé au nom du grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d'Irak qui passe pour faire et défaire les Premiers ministres.
Il y a deux semaines, il avait donné au gouvernement jusqu'à ce vendredi pour faire la lumière sur les violences et répondre aux demandes des manifestants.
Soutien de milices pro-Iran
Le Premier ministre a annoncé des mesures mais il n'a annoncé aucune réforme en profondeur et aucune mesure contre des "gros poissons" dans le 12e pays le plus corrompu au monde, selon Transparency International.
La rue veut, elle, une nouvelle Constitution et un renouvellement total de la classe politique.
Le gouvernement peut toutefois toujours compter sur le puissant Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires dominée par les milices chiites pro-Iran - deuxième bloc au Parlement et membre de la coalition gouvernementale.
Plusieurs de ses chefs lui ont redit ces derniers jours leur "confiance".
Avant les nouvelles manifestations, la mission de l'ONU en Irak avait appelé le gouvernement à "tirer les leçons" de début octobre et à "prendre des mesures concrètes pour éviter la violence".
Comme début octobre, les appels à manifester concernent la plupart des provinces du sud, chiite et tribal.
Le Kurdistan autonome (nord) se tient généralement loin des turbulences.
Dans le nord et l'ouest, majoritairement sunnites et repris il y a deux ans au groupe Etat islamique (EI), personne n'a défilé, les militants disant redouter d'être réprimés et accusés de "terrorisme" ou de "soutien à l'ancien régime de Saddam Hussein", des étiquettes déjà accolées aux manifestants par leurs détracteurs.
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