Dans un discours à la nation, M. Aoun a proposé de rencontrer des "représentants" des manifestants, sans faire d'autres annonces concrètes pour tenter de calmer la rue, alors que la mobilisation prend des allures de soulèvement général.
La colère de la foule est d'abord dirigée contre les responsables politiques de tous bords, jugés sans exception incompétents et corrompus.
Les manifestants, qui écoutaient M. Aoun en direct sur les lieux de rassemblement, ont immédiatement exprimé leur colère. "Nous ne nous contenterons pas de mots creux!", a hurlé une femme.
Après une nouvelle nuit de rassemblements géants et festifs dans plusieurs villes du Liban, des barricades dressées par les manifestants étaient toujours érigées aux entrées de Beyrouth. Des tentes ont même été installées au beau milieu des voies.
Banques, écoles et universités sont restées fermées, prolongeant la paralysie quasi-totale du pays. Des médecins regrettent sur les réseaux sociaux ne pas pouvoir se rendre à leur travail et la crainte d'une pénurie de billets aux distributeurs automatiques commence à monter.
"Qu'il s'en aille"
"Je suis prêt à rencontrer vos représentants (...) pour entendre vos demandes", a dit M. Aoun, alors qu'aucune figure représentative du mouvement de contestation qui a pris les autorités totalement de court, n'a encore émergé.
"J'ai entendu beaucoup d'appels à la chute du régime. Mais le régime, chers jeunes, ne peut être changé sur la place publique", a-t-il ajouté.
"Le peuple veut la chute du régime!", est l'un des slogans phares repris en choeur par les Libanais depuis le début de la contestation, déclenchée le 17 octobre par l'annonce d'une taxe sur les appels via la messagerie WhatsApp.
Même s'il a été aussitôt annulé, cet impôt de trop a fait exploser la colère dans un pays où des besoins élémentaires -comme l'eau, l'électricité et l'accès universel aux soins- ne sont pas assurés 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), et où la classe politique inchangée depuis des décennies est jugée corrompue.
M. Aoun a laissé entrevoir un prochain remaniement ministériel, mais il a aussi apporté son appui au plan de réformes économiques annoncé lundi par le Premier ministre Saad Hariri et largement rejeté par les manifestants.
Le président n'a pas semblé plus convaincant que M. Hariri.
"Son discours n'a rien apporté et ne mène nulle part. Ils doivent tous s'en aller, tous veut dire tous et le président en fait partie. Nous resterons dans la rue", a affirmé à l'AFP Jad al-Hajj, un étudiant en génie mécanique qui manifeste depuis plusieurs jours à Beyrouth.
Echauffourées à Beyrouth
L'impasse dans laquelle se trouve le pays place désormais en première ligne l'armée, sans doute la seule institution encore unanimement respectée au Liban.
Des soldats ont fait leur apparition en masse mercredi dans les rues, mais les scènes de fraternisation avec la foule se sont multipliées.
Malgré une ambiance largement festive, des incidents ont été signalés.
Dans l'après-midi, des partisans du Hezbollah chiite, dont le chef a été conspué ces derniers jours au même titre que les autres leaders communautaires, s'en sont pris à des manifestants dans le centre de Beyrouth. La police anti-émeutes a dû intervenir pour séparer les deux camps.
Mercredi soir à Nabatiyé (sud), une quinzaine de manifestants ont été blessés lors de heurts avec la police soutenue, selon des témoins, par des militants du Hezbollah et de son allié Amal.
"Tous les yeux sont tournés vers l'armée", a titré jeudi le quotidien en langue anglaise The Daily Star.
Selon le journal, le commandement de l'armée aurait refusé dès le premier jour de manifestations une intervention par la force réclamée par le pouvoir politique.
Classé au 138e rang sur 175 dans le classement de l'ONG Transparency International des pays les plus corrompus, le Liban est toujours, faute de réformes structurelles, dans l'attente du versement d'une aide de 11 milliards de dollars promise en avril par des pays donateurs.
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