Ce petit garçon a été tué, ainsi qu'un jeune homme, quand un automobiliste ivre a foncé mardi sur un groupe de manifestants dans la région de Concepcion (sud-ouest), a annoncé le gouvernement.
Le Chili connaît depuis le 18 octobre ses pires violences en une trentaine d'années, liées à une explosion de colère populaire qui se traduit par des actions de protestation et des pillages, malgré les gestes que vient de faire le président conservateur Sebastian Piñera en vue de tenter d'apaiser la situation.
A Santiago, qui, à l'instar de dizaines d'autres villes, a été placée en état d'urgence, les grévistes et manifestants se sont rassemblés mercredi en divers endroits de la capitale, au son de concerts de casseroles.
Les annonces du président sont "une farce", déplorait Ximena Gutierrez, une manifestante. "Il crois qu'il va calmer le peuple avec ça ? Non, il ne va pas le calmer, cela va continuer, car nous n'allons pas nous taire", a-t-elle déclaré à l'AFP. "Faim et soif de justice", lançaient d'autres manifestants.
Des échauffourées entre protestataires et forces de l'ordre ont eu lieu sur la Plaza Italia, au coeur de la capitale, où des centaines de milliers de Chiliens ont régulièrement manifesté depuis vendredi. De nouveaux pillages ont eu lieu à Valparaiso (centre), a constaté l'AFP.
Outre les 18 morts, les troubles ont fait 269 blessés et abouti à environ 1.900 arrestations, selon l'Institut national des droits humains (INDH).
5e couvre-feu nocturne
"Nous le disons fort et clair: assez des hausses de prix et des abus !", avait tweeté mardi la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la principale confédération syndicale du Chili, qui a appelé à un arrêt de travail de deux jours, comme une vingtaine d'autres organisations de travailleurs et d'étudiants.
Toutes ont condamné la décision d'imposer l'état d'urgence dans neuf des seize régions, de recourir au couvre-feu -- renouvelé pour la cinquième nuit consécutive dans la capitale -- et de faire intervenir les forces armées.
Elles réclament l'abandon des mesures d'exception et "le retour des militaires dans leurs casernes".
Quelque 20.000 soldats et policiers sont déployés et c'est la première fois que l'armée patrouille dans les rues depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Les puissants syndicats des mines de cuivre -- dont le Chili est premier producteur mondial --, le personnel du secteur de la santé et les employés des ports ont rejoint le mouvement.
Virage social
L'annonce d'une hausse de 3,75% du prix du ticket de métro - suspendue depuis - a provoqué vendredi les premières manifestations, devenues ensuite un mouvement social majeur nourri par le ressentiment face à la situation socio-économique et aux inégalités dans ce pays de 18 millions d'habitants.
Pour sortir de la crise, le chef de l'Etat a pris mardi un virage social, à l'issue d'une réunion des forces politiques du pays, à laquelle les partis de gauche ont refusé de participer.
M. Piñera a annoncé une augmentation de 20% du minimum retraite, du gel des tarifs de l'électricité et d'une hausse du salaire minimum. Il a également évoqué la réduction des rémunérations des parlementaires et des hauts fonctionnaires, de pair avec la baisse du nombre des sièges au Parlement et une limitation du nombre de leurs mandats successifs.
Reconnaissant n'avoir pas anticipé ce qui se passe actuellement, il a demandé "pardon" à ses compatriotes. Un changement de ton spectaculaire de la part de celui qui considérait dimanche le Chili comme un pays "en guerre".
Les syndicalistes exigent cependant du gouvernement un programme social préparé en commun.
Malgré la grève, quelques activités ont repris au compte-gouttes pour les quelque 7,5 millions d'habitants de l'agglomération de Santiago.
Le trafic a été partiellement rétabli mercredi sur trois lignes du métro, fermé depuis vendredi à la suite de destructions de stations. Environ 5.000 bus et des taxis complètent le dispositif.
Les magasins, les banques et quelques écoles ont rouvert par intermittence ou en horaires limités.
Après les perturbations de ses derniers jours à l'aéroport de Santiago, la compagnie chilienne LATAM, la première d'Amérique latine, a annoncé qu'elle assurait désormais "98% de (ses) vols" à destination et en provenance du pays.
La Banque centrale a indiqué mercredi que la crise sociale aurait des conséquences à court terme sur l'économie "en raison de la paralysie partielle du pays et les dégâts sur les infrastructures".
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