Dans la soirée, comme si cette annonce faite la veille par le Premier ministre Saad Hariri n'avait pas eu lieu, les manifestants ont à nouveau envahi les rues de Beyrouth et de nombreuses autres villes du pays.
Les lueurs de milliers de téléphones portables et une forêt de drapeaux libanais ont salué l'apparition de slogans prouvant une volonté intacte de poursuivre la lutte: "Révolution jusqu'à la victoire!", "Manifestations, manifestations jusqu'à la chute du régime!".
"Toujours là demain"
Dans les rues de Beyrouth, un groupe de jeunes juchés sur une voiture a appelé en chantant à la "désobéissance civile".
"+Ils+ croient que ce sera terminé demain, mais demain nous serons toujours là", a annoncé sous les vivats un jeune homme qui s'était emparé du micro sur l'estrade installée place des Martyrs, au coeur de la capitale.
Un rassemblement s'est aussi formé devant le siège de la Banque centrale. "Nous ne paierons pas les taxes. Que les banques les payent!", ont scandé les manifestants.
Les banques, les écoles et les universités sont restées fermées, et elles le seront à nouveau mercredi.
Le scepticisme de la foule, mêlé de colère, s'était fait sentir dès l'annonce lundi soir par Saad Hariri de son plan qui se voulait pourtant décisif : mesures contre la corruption, budget sans nouveaux impôts, programme de privatisations pour lutter contre la gabegie des services publics, aides en faveur des plus défavorisés...
Son discours à peine terminé, les slogans-phares de la contestation ont retenti de plus belle, notamment celui réclamant le départ immédiat de l'ensemble de la classe politique: "Tous, cela veut dire tous!".
Venu de la banlieue sud chiite, fief du puissant mouvement Hezbollah, Hussein al-Aliya était mardi plus déterminé que jamais.
Pour ce chauffeur de bus de 35 ans, "les députés et les ministres sont tous des voleurs" et le plan de sauvetage du gouvernement n'est que de la poudre aux yeux. "Pourquoi ne l'ont-ils pas fait depuis 30 ans?", a-t-il demandé en réclamant un gouvernement et un parlement totalement "composés de jeunes, femmes et hommes".
Depuis la fin de la guerre civile en 1990, les infrastructures du pays sont restées en déliquescence et les Libanais font toujours face à des coupures quotidiennes d'eau et d'électricité.
"A la table des grands"
Selon le chercheur en sciences politiques Karim el-Mufti, il aurait fallu des "mesures beaucoup plus radicales", au-delà d'annonces économiques d'urgence, pour convaincre les Libanais qui réclament une refonte en profondeur du système.
Heiko Wimmen, analyste à l'International Crisis group, est du même avis: "il s'agit de mesures techniques qui peuvent améliorer la situation budgétaire du pays mais ne sont pas à la hauteur du défi posé par les manifestants".
Déclenché par l'annonce le 17 octobre d'une nouvelle taxe sur les appels effectués via la messagerie WhatsApp, le mouvement de colère a pris la classe politique de court. L'annulation rapide de la mesure n'a pas empêché la colère de prendre de l'ampleur.
Fait aussi rare que marquant, la mobilisation a gagné l'ensemble du pays et un tabou a été brisé dans les fiefs chiites du Hezbollah pro-iranien, où même son leader Hassan Nasrallah a été pris à partie par la foule.
L'issue du mouvement semble plus incertaine que jamais. Pour Karim el-Mufti, "un bras de fer" s'est engagé entre la rue et le pouvoir. "L'opinion publique s'est invitée à la table des grands et a bien l'intention d'y rester", estime-t-il.
M. Hariri a entamé de son côté une série de consultations avec des ambassadeurs à Beyrouth pour leur présenter son plan de réformes en espérant, selon un de ses conseillers, "des réactions très positives".
Faute des réformes structurelles promises, le Liban est toujours dans l'attente du versement d'une aide de 11 milliards de dollars promise en avril dernier par des pays donateurs.
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