De Los Angeles à Sydney, de New York à Milan, de nombreuses grandes mégapoles se sont engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, pour faire leur part vers l'objectif de limiter à 2°C au maximum le réchauffement de la planète, comme prévu dans l'accord de Paris.
Mais actuellement faire un "bilan carbone", qui évalue les émissions des grandes familles de gaz à effet de serre (CO2, méthane..) sur la base notamment de déclarations volontaires, "nécessite de recourir à beaucoup d'informations (trafic routier, industries, bâtiments, énergie) et généralement cela crée un délai qui va de 2 à 3 ans", explique à l'AFP Thomas Lauvaux, chercheur au Laboratoire des sciences de l'environnement et du climat (LSCE), partenaire scientifique du projet porté par la start up Origins.earth.
Ainsi, le dernier "bilan carbone" de Paris, publié en 2016, portait sur les émissions de 2014: 25,6 millions de tonnes équivalent CO2, en baisse de 9,2% par rapport à 2004.
"Des bilans carbone tous les 5 ans, ce n'est plus satisfaisant, il faut de la donnée plus réactive", plaide Célia Blauel, adjointe chargée de la Transition écologique à la mairie de Paris, qui soutient l'initiative.
Le projet financé par le groupe Suez et des fonds européens, pourra compter à terme sur une vingtaine de capteurs mesurant les concentrations et les émissions de CO2 dans la région parisienne, faisant le tri entre ce qui est émis par la nature et ce qui est généré par l'Homme.
"Aucune collectivité aujourd'hui n'a la possibilité d'attester de son niveau d'émissions réelles", commente Fouzi Benkhelifa, patron de Origin.earth, décrivant un "grand écart entre l'urgence à agir contre le réchauffement et les outils de connaissance".
"une photo qui a 5 ans"
"Les villes doivent agir jour après jour mais ont une photo qui a 5 ans, c'est un vrai problème de gouvernance", poursuit-il.
Grâce aux futures données en continu, Paris et sa région pourront connaître plus rapidement l'impact ou non de certaines politiques publiques. Les électeurs pourront aussi juger des résultats et se rendre compte si les promesses de réduction des émissions de CO2 ont été respectées ou non.
Cette transparence n'est-elle pas un risque politique, si les résultats espérés ne sont pas au rendez-vous ? "Je ne suis pas très inquiète, ça ne pourra qu'alimenter la réflexion et nous rendre meilleurs dans la dynamique", assure Célia Blauel, alors que Paris vise la neutralité carbone d'ici 2050.
La mairie ne s'attend pas à des surprises majeures pour la capitale française: les grands axes des politiques de réduction des émissions sont connus (rénovation des bâtiments, plans de déplacements, transition énergétique, déchets...).
Mais "pouvoir mesurer plus dans la dentelle l'impact de chacune de nos mesures (...) va nous permettre d'affiner les politiques mises en oeuvre", assure l'élue parisienne.
Au-delà, les habitants pourront aussi voir l'effet de leurs propres comportements, note Thomas Lauvaux.
En un an, grâce à un indice qui devrait être publié tous les mois en 2020, les gens "pourront prendre conscience du cycle naturel des émissions, de l'été et de l'hiver, avec leur propre impact par exemple quand ils mettent en route le chauffage", insiste-t-il.
Cet outil pédagogique doit permettre ainsi de mieux visualiser ces émissions invisibles néfastes pour le climat, à l'image de ce qu'ont fait les systèmes de surveillance de la qualité de l'air pour mettre en lumière les polluants nocifs pour la santé humaine, ozone ou particules fines.
Restera à voir si d'autres villes, en France ou ailleurs, voudront prendre le risque de se lancer dans des initiatives similaires de "météo" du carbone, soutenues par l'Organisation météo mondiale.
"On est à l'aube de ces projets", commente Thomas Lauvaux. Pour l'instant "les villes se disent: qu'est-ce que j'ai à y gagner ?".
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