Le mouvement, qui a gagné de nombreuses villes y compris la capitale Beyrouth et paralysé le pays, a été déclenché de manière spontanée jeudi par l'annonce d'une taxe sur les appels effectués via WhatsApp. Une décision annulée aussitôt sous la pression de la rue.
Mais les manifestations, rassemblant des ouvriers, des universitaires, des commerçants, des étudiants, des jeunes et des moins jeunes, et de toutes les confessions, n'ont pas cessé depuis, jour et nuit.
De Tripoli et Akkar, dans le nord, à Baalbeck dans l'est en passant par de nombreuses localités côtières et jusqu'à Tyr et Saïda dans le Sud et le Chouf dans l'Est, les Libanais ont défilé pour exprimer leur ras-le-bol.
Sous une nuée de drapeaux libanais, les manifestants crient "Révolution, révolution" ou "le peuple veut la chute du régime", slogans phares du Printemps arabe.
A Beyrouth, Zalfa Aboukaïs, 27 ans, accroche les noms de députés et ministres sur des barbelés. "Des voleurs", dit-elle. "Je manifeste contre des voyous qui sont au pouvoir depuis 30 ans".
Depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), la classe politique, quasi inchangée, est accusée d'affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence -pénurie chronique d'électricité et d'eau potable- et où la vie est chère.
"Tous veut dire tous"
Dimanche, pourrait voir les plus gros rassemblements, à la veille de l'expiration d'un ultimatum fixé par le Premier ministre Saad Hariri pour avoir l'approbation définitive des membres de sa coalition gouvernementale minée par les divisions à un plan de réformes.
M. Hariri avait insinué qu'il pourrait démissionner s'il ne réussit pas à faire passer ses réformes. Sa coalition est dominée par le camp du président Michel Aoun et de ses alliés dont le Hezbollah, opposés à une démission de M. Hariri.
Allié de M. Hariri, le parti des Forces Libanaises a lui annoncé samedi la démission de ses quatre ministres, une initiative accueillie dans la liesse par les manifestants.
Mais le slogan "Tous veut dire Tous" a été aussitôt crié, pour dire leur exigence d'un départ de toute la classe politique.
Dans le centre-ville de Beyrouth, siège du gouvernement, devenu le centre névralgique de la contestation, des volontaires ont nettoyé les rues dimanche, munis de grands sacs bleus.
"Nous comprenons la douleur des gens, nous voulons un Liban non corrompu et des solutions, mais aussi un pays propre", a déclaré l'un d'eux.
Aux alentours, on pouvait lire sur des murs: "Le Liban est au peuple" ou "La patrie pour les riches, le patriotisme pour les pauvres".
Je suis ici pour faire tomber les hommes du président et son gouvernement corrompus", a affirmé Sanaa Mallah, 40 ans. "Il nous faut des dirigeants qui travaillent pour l'intérêt du peuple, et non pas pour une communauté confessionnelle ou un parti politique".
"Nous ne voulons plus que des gens aient à supplier pour obtenir leurs droits légitimes et des services que l'Etat est censé leur prodiguer", a déclaré, une autre manifestante, Dani Mourtada, 26 ans.
Musique, danse, chants
Samedi et dans la nuit, les manifestations ont rassemblé dans une ambiance festive des dizaines de milliers de personnes à travers le pays.
A Tripoli, une ville pourtant conservatrice, la foule massée place al-Nour a dansé tard samedi soir au rythme d'une musique animée par un DJ et diffusée via haut-parleurs. Ailleurs dans le pays, des manifestants ont dansé et chanté.
Des pneus ont été incendiés et des routes bloquées mais il n'y a pas eu de heurts avec les forces de sécurité samedi.
Fait aussi rare que marquant, la contestation a gagné des fiefs du Hezbollah et du mouvement Amal, deux poids lourds de la politique libanaise.
Fermées depuis vendredi, les banques n'ouvriront pas non plus lundi, selon l'agence nationale d'information (ANI).
Les Libanais expriment leur ras-le-bol face à des conditions de vie de plus en plus difficiles alors que la crise économique s'aggrave dans un pays classé 138e sur 180 dans l'indice de perception de la corruption de Transparency International.
Plus du quart de la population vit sous le seuil de pauvreté selon la Banque Mondiale, alors que la dette publique culmine à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB.
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