Les troubles ont débuté vendredi, nourris par la colère face aux conditions socio-économiques et aux inégalités dans ce pays considéré comme l'un des plus stables d'Amérique latine. Des militaires ont commencé à patrouiller samedi dans les rues pour la première fois depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet en 1990.
Un couvre-feu décrété samedi jusqu'à dimanche 10H00 GMT dans la capitale Santiago a été étendu durant la nuit à deux autres régions, Valparaíso (centre) et Concepción (sud). Les autorités n'ont pas indiqué si la mesure serait prorogée.
Le président Sebastian Pinera avait déjà décrété vendredi soir l'état d'urgence pour 15 jours à Santiago et confié la responsabilité de la sécurité au général Javier Iturriaga del Campo.Le gouvernement a également déployé l'armée dans les régions de O'Higgins et Coquimbo.
Mais la forte présence militaire et policière n'a pas permis d'éviter de nouvelles violences.
Tôt dimanche, trois personnes sont mortes dans l'incendie d'un supermarché Lider, de la chaîne américaine Walmart, à San Bernardo en banlieue sud de la capitale. Des centaines de personnes avaient forcé les entrées pour le piller, selon les pompiers qui ont mis plus de deux heures à contrôler le sinistre.
La gouverneure de Santiago, Karla Rubilar, a déclaré à la presse que deux des victimes avaient été brûlées et une troisième était décédée à l'hôpital.
"Le Chili s'est réveillé
Samedi, les manifestations et les violences s'étaient poursuivies, avec des dizaines de supermarchés, de véhicules et de stations-service saccagés ou incendiés. Le bilan officiel est de 308 arrestations et 156 policiers blessés.
"Nous vivons de très hauts niveaux de délinquance, de pillages et de saccages", a déclaré le ministre de la Défense Alberto Espina. Selon lui, le gouvernement a déployé quelque 8.000 hommes et compte y ajouter 1.500 autres.
A l'aéroport de Santiago, des centaines de personnes ont passé la nuit à attendre, la plupart dormant par terre, après l'annulation ou la reprogrammation de leurs vols.
Les manifestations ont débuté vendredi pour protester contre une hausse --de 800 à 830 pesos (environ 1,04 euro)-- du prix des tickets de métro à Santiago, dotée du réseau le plus étendu (140 km) et le plus moderne d'Amérique du Sud qui transporte quotidiennement environ trois millions de passagers.
M. Pinera a fait marche arrière samedi soir et suspendu la hausse. Mais avec des mots d'ordre comme "Marre des abus" ou "Le Chili s'est réveillé", diffusés sur les réseaux sociaux, le pays fait face à une des pires crises sociales depuis des décennies.
Les revendications des manifestants se sont élargies à d'autres sujets, comme les inégalités sociales ou la contestation d'un modèle économique où l'accès à la santé et à l'éducation relèvent presque uniquement du secteur privé.
Dimanche, M. Pinera doit réunir ses ministres et d'autres hauts responsables pour faire un point sur la situation. Il a également annoncé un dialogue "large et transversal" pour tenter de répondre aux demandes sociales. La contestation n'a pas actuellement de dirigeants visibles ni de revendications claires.
"Nous sommes fatigués, ça suffit. Nous sommes fatigués de nous faire avoir. Les hommes politiques ne font que ce qu'ils veulent et tournent le dos à la réalité tout entière", explique Javiera Alarcon, une sociologue âgée de 29 ans qui manifestait samedi devant le palais présidentiel à Santiago.
Une photo du président dégustant une pizza dans un restaurant, tandis que Santiago brûlait, a accru la colère. Visiblement pris de court par cette crise, M. Pinera avait qualifié son pays, quelques jours auparavant, "d'oasis" en Amérique latine.
Les sept millions d'habitants de Santiago se sont retrouvés samedi quasiment privés de transports publics, avec la suspension temporaire des bus suite à l'incendie de plusieurs véhicules alors que le métro de Santiago restait fermé après le saccage de 78 stations.
Le gouvernement a annoncé la suspension des cours lundi dans plusieurs établissements scolaires de divers quartiers de Santiago.
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