Des milliers de personnes s'étaient rassemblées pour un concert de casseroles - mode de contestation apparu après le coup d'Etat mené par le général Augusto Pinochet fin 1973 -, quand la manifestation a rapidement dégénéré en affrontements entre des personnes masquées et les forces spéciales.
Des heurts ont notamment été signalés sur la grande place d'Italie - épicentre de la contestation - et près du siège du gouvernement, ainsi qu'à Puente Alto, dans la banlieue sud de la capitale.
Les journalistes de l'AFP ont vu cinq autobus incendiés en plein centre-ville, et les autorités ont décidé dans la journée d'interrompre totalement leur circulation en raison de l'escalade des violences.
Le président chilien Sebastian Pinera a décrété dans la nuit de vendredi à samedi l'"état d'urgence" pour 15 jours à Santiago et confié à un militaire la responsabilité d'assurer la sécurité, au terme d'une journée de violences et d'affrontements nés de protestations contre l'augmentation des tarifs du métro.
Des militaires patrouillaient samedi dans Santiago, pour la première fois depuis le retour à la démocratie, en 1990.
Des milliers de personnes sont cependant redescendues samedi dans les rues de la capitale et d'autres villes pour y faire résonner des casseroles. Des manifestations ont eu lieu dans des grandes villes comme Valparaiso et Viña del Mar, au bord du Pacifique, sans qu'aucun désordre majeur n'y soit cependant noté dans l'immédiat.
Face aux militaires déployés sur la Place d'Italie à Santiago, des manifestants ont brandi des photos de personnes disparues sous la dictature militaire (1973-1990), qui s'est soldée par plus de 3.200 personnées mortes ou disparues.
"Marre des abus"
Avec des mots d'ordre tels que "Marre des abus" ou "Le Chili s'est réveillé", diffusés sur les réseaux sociaux, le pays fait face à une des pires crises sociales depuis des décennies. Elle a été déclenchée par l'annonce d'une forte hausse du prix des tickets de métro, de 800 à 830 pesos (environ 1,17 dollars).
Les revendications ont rapidement débordé sur d'autres sujets, comme un modèle économique où l'accès à la santé et à l'éducation ressortent presque uniquement du secteur privé.
Le pouvoir a hésité pendant plusieurs heures vendredi avant de décréter finalement dans la nuit un "état d'urgence" à Santiago, devant la montée du chaos.
Le général Javier Iturriaga del Campo, nommé à la tête de la défense nationale, a précisé que l'armée opérerait des patrouilles dans les principaux sites de la capitale, qui compte sept millions d'habitants, mais n'imposerait pas de couvre-feu. "Nous n'allons restreindre aucune liberté individuelle pour le moment", a-t-il dit.
Une photo du président Sebastian Pinera dégustant tranquillement une pizza dans un restaurant tandis que Santiago brûlait a accru la colère de la population, dans ce pays où un calme relatif régnait ces dernières années. Visiblement pris de court par cette crise, M. Pinera avait qualifié son pays, il y a quelques jours seulement, "d'oasis" dans la région.
Il a annoncé samedi le lancement d'un plan qui "va permettre de réduire l'impact du renchérissement du ticket de métro, et bénéficier aux secteurs les plus vulnérables et de la classe moyenne", sans plus de précisions.
- Un pays "cocotte-minute" _
"C'est triste mais ces destructions ont été la manière que la population a trouvée pour qu'on l'écoute. Le Chili était une cocotte-minute qui a explosé de la pire manière, nous laissant sans métro", a commenté à l'AFP Maria, une fonctionnaire.
Vendredi, au moins 16 autobus ont été incendiés et une dizaine de stations de métro totalement détruites, selon les autorités. "L'ensemble du réseau est fermé en raison des émeutes et des destructions", a annoncé le gestionnaire du métro, après des attaques contre presque l'intégralité des 164 stations.
Le bilan officiel des violences et affrontements est de 308 arrestations, et 156 policiers blessés.
Le métro de Santiago, le plus étendu (140 km) et le plus moderne d'Amérique du sud, par lequel transitent environ trois millions de passagers par jour, ne pourrait rouvrir progressivement que la semaine prochaine.
De Washington, la Commission interaméricaine des droit de l'homme (CIDH) a appelé samedi les autorités chiliennes à "respecter pleinement les droits humains", malgré l'état d'urgence.
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