Au moins 14 civils ont été tués vendredi dans le nord de la Syrie par des raids aériens turcs et des bombardements à l'artillerie des rebelles proturcs, qui poursuivent une offensive contre des forces kurdes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).
Interrogé à Bruxelles par des journalistes sur l'accord de cessez-le-feu arraché jeudi au président turc Recep Tayyip Erdogan, M. Pompeo a reconnu qu'il n'avait pas été "instantanément" mis en oeuvre par les belligérants. Il a pointé des problèmes de "coordination" pour assurer "un retrait sécurisé des combattants des YPG (Kurdes des Unités de protection du peuple, ndlr) de la zone contrôlée par les Turcs couverte par l'accord".
M. Pompeo a rappelé vendredi soir que ces forces kurdes, qualifiées de "terroristes" par Ankara, disposaient encore de "96 heures", soit quatre jours, jusqu'à mardi soir, pour se retirer des zones frontalières de la Turquie.
A l'expiration de ce délai, si le retrait n'est pas effectif, l'offensive déclenchée le 9 octobre pourrait reprendre, avait averti M. Erdogan dans la journée.
Le président américain Donald Trump s'est montré optimiste, assurant qu'il y avait "de la bonne volonté" des deux côtés et que les Kurdes étaient "très heureux" de la façon dont les choses se passaient.
"Je viens de parler au président Erdogan (...) Il veut vraiment que le cessez-le-feu, ou la trêve, fonctionne", a-t-il tweeté.
"Demande de capitulation"
L'opération lancée par Ankara avec des supplétifs syriens a ouvert un nouveau front dans la Syrie en guerre depuis 2011, où les forces kurdes, partenaires des Occidentaux dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), ont accusé Washington de les avoir abandonnées.
Jeudi soir, Ankara a dit accepter de suspendre pendant cinq jours son offensive, réclamant un retrait des forces kurdes de sa frontière pour y mettre un terme définitif.
Le président français Emmanuel Macron a annoncé vendredi une "initiative commune" avec la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson pour rencontrer "prochainement" M. Erdogan.
Le président du Conseil européen Donald Tusk a dénoncé l'accord turco-américain, le considérant plutôt comme "une demande de capitulation pour les Kurdes".
Mazloum Abdi, le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les combattants kurdes, avait annoncé jeudi soir que ses forces étaient prêtes à "respecter le cessez-le-feu".
"Crimes de guerre"
Des combats sporadiques se poursuivent dans la ville frontalière de Ras al-Aïn.
L'offensive d'Ankara a permis aux forces turques et à leurs supplétifs syriens de conquérir une bande frontalière de près de 120 km, allant de Tal Abyad à Ras al-Aïn.
Amnesty International a accusé l'armée turque et les rebelles proturcs de "mépris honteux pour les vies civiles", évoquant des "preuves accablantes de crimes de guerre".
Les autorités kurdes ont déjà accusé Ankara d'utiliser des armes non conventionnelles, comme le napalm, ce que la Turquie a démenti.
Vendredi, les autorités kurdes ont tenté de dépêcher des secours à Ras al-Aïn pour évacuer les blessés, a indiqué à l'AFP Hassan Amin, un responsable de l'hôpital de Tal Tamr, plus au sud.
"La situation des blessés est critique et leur nombre élevé", a-t-il dit, assurant que "l'équipe médicale n'a pas été autorisée à entrer" dans la ville, refus que l'OSDH a attribué aux rebelles proturcs.
L'opération turque a tué 86 civils, et 239 combattants des FDS, selon le dernier bilan de l'OSDH, qui indique également que 187 combattants proturcs ont péri. Environ 300.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon l'OSDH.
La Turquie a fait état de la mort de six soldats turcs en Syrie et de 20 civils tués dans les villes frontalières par des tirs des combattants kurdes syriens.
"cauchemar stratégique"
Le 6 octobre, M. Trump avait ordonné le retrait des forces américaines dans le nord syrien. Une décision qualifiée de "cauchemar stratégique" par le chef de file de la majorité républicaine au Sénat américain, Mitch McConnell, dans une tribune publiée vendredi par le Washington Post. "Cela va laisser le peuple américain et son territoire moins en sécurité, enhardir nos ennemis et affaiblir d'importantes alliances", a-t-il estimé.
L'accord turco-américain de jeudi prévoit la mise en place d'une "zone de sécurité" de 32 km de largeur en territoire syrien dont doivent se retirer les forces kurdes.
L'objectif est d'éloigner les YPG de la frontière mais aussi d'y installer une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.
M. Erdogan a répété vendredi que cette zone devrait "s'étendre en longueur sur 444 km" et pas seulement dans les zones dont Ankara a pris le contrôle.
Aucun soldat américain n'aidera à faire respecter la "zone de sécurité" entre les Kurdes et la Turquie, a prévenu vendredi le ministre américain de la Défense Mark Esper.
Selon un haut responsable du Pentagone, les Etats-Unis maintiendront néanmoins une surveillance aérienne de la zone, pour s'assurer notamment de la sécurité des prisons où sont détenus les combattants de l'EI.
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