En soirée, les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes, dispersant la foule réunie dans le centre-ville de Beyrouth, devant le siège du gouvernement dont le départ est réclamé par les manifestants. Ceux-ci restaient mobilisés dans les rues de la capitale, avec des heurts sporadiques avec les policiers.
Dans une allocution télévisée très attendue, le Premier ministre a défendu les réformes qu'il tente de faire adopter pour redresser une économie en berne, accusant des membres de la coalition gouvernementale d'entraver ses efforts.
"Ce que l'on voit depuis hier, c'est la douleur des Libanais", a reconnu un Premier ministre les traits tirés et l'air grave, au second jour de manifestations massives, inédites depuis plusieurs années.
"Nos partenaires au gouvernement doivent nous donner une réponse claire, définitive" pour montrer que "nous avons tous opté pour des réformes, sinon je tiendrais un tout autre discours dans un très court délai de 72 heures", a-t-il mis en garde.
Vendredi, les manifestants ont brûlé des pneus et des bennes d'ordure, bloqué des routes à travers le pays. Et pour le deuxième jour consécutif, la circulation est perturbée sur la route principale menant à l'aéroport international.
Toute la journée, des colonnes épaisses de fumée noire se sont élevées au dessus de la capitale et de nombreuses villes. Les banques, les écoles, les universités et les institutions publiques sont restées fermées.
Pour Carole, une manifestante de 27 ans, M. Hariri fait erreur en "donnant un délai de trois jours alors que (la classe politique libanaise) avait 20, 30 ans pour régler les problèmes."
"C'est inacceptable, il vaut mieux qu'il parte et qu'il cède la place à quelqu'un d'autre à même d'appliquer les réformes", a-t-elle tancé.
Hariri, Aoun, Hezbollah
Les manifestants sont sortis dans la rue par la décision jeudi soir du gouvernement d'imposer une taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie Internet.
Cette mesure a été aussitôt annulée sous la pression de la rue, mais les Libanais ont poursuivi leur mouvement pour exprimer leur ras-le-bol d'une classe politique accusée d'affairisme dans un pays aux infrastructures en déliquescence et où la vie est chère.
Les manifestations nocturnes de jeudi ont été marquées par des heurts entre manifestants et forces de sécurité. Vingt-trois manifestants ont été blessés selon la Croix-Rouge libanaise et 60 membres des forces de sécurité d'après la police.
Vendredi, les manifestants ont brandi des drapeaux libanais et scandé devant le siège du gouvernement "Dehors, Dehors Hariri", ou "Le peuple veut la chute du régime", slogan du Printemps arabe.
D'autres ont déchiré des portraits de M. Hariri tandis que certains ont crié des slogans contre le président Michel Aoun. Des centaines se sont rassemblés vendredi soir devant le palais présidentiel, au sud-est de Beyrouth.
"Pour une fois, les gens ne mettent pas en avant la religion ou le parti qu'ils soutiennent", dans un pays habitué aux rassemblements partisans et confessionnels, souligne Yara, 23 ans.
Les manifestations ont aussi eu lieu dans des régions dominées par le puissant Hezbollah chiite, mouvement armé pas habitué à des mouvements d'opposition dans ses fiefs.
"Je veux de l'électricité, je veux que les rues soient éclairées. Je ne veux plus entendre le bruit des générateurs" qui fournissent du courant à des prix exorbitants durant les heures où l'électricité publique est coupée, martèle Dima Hassan 42 ans.
"Mauvaise gestion"
Près de 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), le Liban est toujours en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable et est miné par les crises politiques à répétition.
A la corruption endémique et aux infrastructures en déliquescence, viennent s'ajouter les répercussions économiques de la guerre en Syrie voisine depuis 2011.
Cette mobilisation de la rue est la plus importante depuis les manifestations contre le pouvoir en 2015, durant une crise de gestion des déchets, qui perdure encore.
Spontanées, "les manifestations sont le résultat d'une accumulation de griefs, conséquence principale d'une mauvaise gestion du gouvernement", explique Sami Nader, du Levant Institute for Strategic Affairs, en citant un pouvoir d'achat faible et des taxes en augmentation.
Ces dernières semaines, la tension est montée au Liban avec des craintes d'une dévaluation et d'une pénurie de dollars sur les marchés de change.
Le pays s'est engagé en avril 2018 à introduire des réformes en contrepartie de promesses de prêts et de dons d'un montant total de 11,6 milliards de dollars.
La dette publique culmine à plus de 86 milliards de dollars, soit plus de 150% du PIB, troisième taux le plus élevé au monde après le Japon et la Grèce.
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