Carlos Nobre qui a contribué à un rapport scientifique destiné à cette assemblée d'évêques consacrée à la région panamazonique (du 6 au 27 octobre) explique à l'AFP que "l'Amazonie a un grand potentiel économique" susceptible de "bénéficier socialement à toutes les populations indigènes et préserver leurs traditions".
"La +forêt debout+ génère davantage de produits ayant une valeur économique pour le présent et le futur que la destruction de la forêt et son remplacement par des terres agricoles ou minières", insiste ce Brésilien qui ausculte l'Amazonie depuis quarante ans.
"La science doit chercher des solutions et pas seulement parler des risques. Nous devons trouver les voies d'une économie qui maintient la forêt debout", souligne-t-il en jugeant les possibilités "innombrables".
Quarante-deux scientifiques internationaux ont préparé pour le synode un état des lieux chiffré assorti de recommandations. Parmi elles: maîtriser de nouvelles technologies et bio-industries de haute valeur, par exemple dans les domaines pharmaceutique, alimentaire ou cosmétique.
açai et babassu
La forêt rengorge notamment de baies açaï (aux propriétés médicinales), de palmiers babassu (huile utilisée en cosmétique), de châtaignes ou encore de cacao.
Ces activités pourraient être encadrées par des normes écologiques strictes, tout en protégeant les droits des populations, avancent les scientifiques qui regrettent que les pays d'Amazonie aient choisi un modèle impliquant un usage intensif des terres.
"Pour qu'une classe moyenne émerge en Amazonie, il faut apporter une valeur ajoutée aux produits de la forêt, qui ont une très grande valeur intrinsèque", dit Carlos Nobre.
"Il nous faudrait une révolution industrielle et scientifique, de sorte que l'Amazonie et ses populations s'approprient cette valeur et aient une meilleure qualité de vie!", ajoute-t-il.
La surabondance naturelle d'eau, de chaleur et d'humidité fait que les écosystèmes de l'Amazonie abritent environ 10 à 15% de la biodiversité terrestre.
Au cours des deux premières semaines du synode, des évêques venus très majoritairement d'Amazonie, une poignée de représentants des peuples indigènes et des experts internationaux ont dénoncé avec force le sort de populations parfois menacées de mort par les prédateurs économiques de la forêt.
A l'instar de Felicio de Araujo Pontes, procureur brésilien qui s'est spécialisé dans le défense des peuples indigènes et s'insurge contre le modèle économique dominant dans son pays (élevage bovin et monoculture de soja).
"D'un point de vue économique, cela vaut la peine de garder cette forêt debout", dit-il aussi, en déplorant "une mentalité colonialiste qui persiste avec l'idée d'une supériorité sur le peuple de la forêt".
Constitution bafouée
Mgr Roque Paloschi, archevêque de Porto Velho (Etat brésilien du Rondônia), rappelle pour sa part que les peuples autochtones ont été lésés dans son pays sur la question de la répartition des terres.
"La Constitution de 1988 prévoyait qu'en 1993, toutes les terres des peuples indigènes devaient être délimitées, homologuées et enregistrées. Un tiers d'entre elles l'ont été, les autres ont été envahies par les chercheurs d'or, les industries minières et les industries du pétrole et du bois", déplore l'évêque.
Le prix Nobel brésilien Carlos Nobre, battant en brèche les affirmations des climato-sceptiques, se dit très inquiet pour l'Amazonie, répartie entre neuf des douze pays de l'Amérique du Sud, principalement le Brésil.
"La science est en train de démontrer que sommes très proches d'un point de non retour", souligne-t-il, estimant que "60 à 70% de la forêt amazonienne pourrait disparaître dans les 30 à 50 prochaines années".
"Nous devons freiner la déforestation et parvenir à zéro déboisement dans les années à venir. Et nous devons lutter contre le réchauffement climatique", préconise le climatologue. Aujourd'hui 15% de la forêt a déjà disparu en raison de la déforestation et des incendies souvent volontaires.
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