C'est l'épilogue d'un procès marqué par la gouaille d'un infatigable ferrailleur, qui a défendu une "vie à servir les autres" et regretté sa "manie de vouloir toujours faire plaisir". C'est aussi une époque nouvelle, où les manquements à la probité des délinquants en cols blancs sont sanctionnés avec une sévérité inédite.
Patrick Balkany, 71 ans, s'y préparait sans doute à la fin de son procès, en confiant sa plus grande crainte: "Quand un homme politique s'arrête, il meurt".
Le 13 septembre, le baron des Hauts-de-Seine a été condamné à 4 ans de prison pour fraude fiscale et à 10 ans d'inéligibilité, sanctionné pour un "indéniable enracinement, sur une longue période, dans une délinquance fortement rémunératrice".
Ecroué à la maison d'arrêt de la Santé, il a immédiatement fait appel, mais comparaîtra détenu vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris, l'examen de sa demande de mise en liberté n'étant prévue que mardi.
Son épouse et première adjointe Isabelle (71 ans), qui n'a pas assisté au procès après une tentative de suicide début mai, a été condamnée à trois ans ferme mais sans incarcération immédiate. Elle a aussi interjeté appel.
Quelques heures après le premier délibéré, elle avait repris les rênes de la mairie de Levallois-Perret, dénonçant l'incarcération de son époux dans une ambiance de campagne électorale.
Le second jugement s'annonce encore plus risqué pour Patrick Balkany, qui n'a eu de cesse de se poser en "fraudeur passif", simple héritier des lingots paternels.
Pour blanchiment et corruption, le parquet national financier (PNF) a requis contre lui sept ans de prison, son incarcération immédiate, dix ans d'inéligibilité et la confiscation de tous ses biens. Et contre elle, quatre ans avec sursis et 500.000 euros d'amende.
Le couple est soupçonné d'avoir caché 13 millions d'euros d'avoirs au fisc entre 2007 et 2014, notamment deux somptueuses villas, Pamplemousse aux Antilles et Dar Guycy à Marrakech.
Pacte de corruption ?
Au fil des audiences, ils avaient concédé quelques "fautes". Isabelle Balkany avait, pendant l'instruction, admis avoir acquis grâce à un héritage familial la villa antillaise en 1997, via une société constituée au Liechtenstein par une fiduciaire suisse.
Le couple a en revanche toujours nié détenir le riad, acquis en janvier 2010 par une SCI marocaine, elle-même détenue par une société-écran panaméenne aux titres au porteur. Et ce, en dépit des peignoirs brodés aux initiales "PB", des livres dédicacés, des meubles payés par Isabelle Balkany.
Dans son premier jugement, le tribunal considère que les Balkany auraient dû déclarer les deux villas: il considère donc déjà le riad marocain comme leur propriété.
L'accusation affirme que Patrick Balkany s'est fait offrir cette villa par le milliardaire saoudien Mohamed Al Jaber en échange de délais de paiements pour les Tours de Levallois, un juteux projet immobilier qui n'a finalement pas abouti.
S'ils se sont écharpés à l'audience, Patrick Balkany et Mohamed Al Jaber se sont accordés pour nier tout "pacte de corruption".
Le PNF voit au contraire un "lien incontestable entre l'acquisition de la maison et le contrat immobilier de Levallois", notamment à travers la "chronologie éclairante" des versements du promoteur saoudien précédant des délais de paiement accordés par la ville.
Le parquet a donc requis de la prison ferme contre le milliardaire, pour avoir "sciemment corrompu un élu de la République", contre l'avocat Arnaud Claude, présenté comme "le pilote de l'opération" marocaine, et contre Jean-Pierre Aubry, alors bras droit de Patrick Balkany, "prête-nom jusqu'au sacrifice" pour son "maître".
Une amende de 100.000 euros a été requise contre Alexandre Balkany, pour avoir "couvert" ses parents en souscrivant des baux de location fictifs.
Pour la défense, rien ne tient dans ce dossier. Les avocats du milliardaire saoudien comme ceux de Patrick Balkany ont pilonné une procédure "lamentable" et une accusation qui n'a pas apporté "la moindre preuve d'un pacte de corruption".
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