Toujours plus nombreuses, ces voitures au look de 4x4, mais sans leurs capacités de franchissement, ont été la deuxième source d'augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans le monde entre 2010 et 2018, selon le directeur de l'AIE.
"Certes, des constructeurs automobiles mettent beaucoup d'argent dans les voitures électriques, mais les mêmes mettent aussi sur le marché de plus en plus de modèles de SUV", a souligné Fatih Birol à Paris, lors d'une conférence internationale sur l'électrification de l'énergie.
"Oui, les voitures électriques marchent fort, il y en a environ 6 millions dans le monde (...) Mais est-ce synonyme de décarbonation? Absolument pas", a-t-il insisté, relevant que la moitié roulent "dans un pays, en Asie", la Chine, où les deux tiers de l'électricité sont produits par des centrales à charbon.
"Les voitures électriques ne sont pas la panacée, le pré-requis doit être une décarbonation du système énergétique", a-t-il plaidé.
En outre, "dans les faits, la star de l'industrie automobile, ce n'est pas la voiture électrique, c'est le SUV: en 2010, 18% des ventes de voitures dans le monde concernaient des SUV; en 2018, c'était plus de 40%!"
"En conséquence, ces dix dernières années, les SUV ont été la deuxième source de croissance des émissions de CO2", après le secteur de l'énergie, mais avant l'industrie lourde (acier, ciment...), les poids lourds ou l'aviation.
Plus de 200 millions de SUV circulent aujourd'hui dans le monde, contre 35 millions en 2010, une tendance que l'on retrouve partout, relève l'AIE dans une note parue mardi.
Souvent plus lourds et moins aérodynamiques, ces véhicules omniprésents dans les gammes des constructeurs consomment un quart d'énergie de plus qu'une voiture de taille moyenne, souligne le rapport.
Plus difficiles à électrifier
De ce fait, ils sont seuls à l'origine de la demande accrue en pétrole venue de l'industrie automobile entre 2010 et 2018, qui a dépassé largement les progrès en termes d'efficacité réalisés sur les voitures plus petites et les économies de carburant permises par les électriques.
"Si l'appétit des consommateurs pour les SUV continuait de croître au rythme de cette dernière décennie, ces voitures ajouteraient près de 2 millions de barils par jour à la demande mondiale de pétrole d'ici 2040, annulant les économies permises par 150 millions de voitures électriques", prévient le rapport.
Il souligne aussi que "des voitures plus grosses et plus lourdes comme les SUV sont plus difficiles à électrifier".Dans l'UE, après des années de déclin, les émissions de CO2 des voitures neuves ont ainsi crû en 2018 pour la deuxième année de suite, selon l'Agence européenne de l'environnement, qui désigne la montée des SUV comme un des "principaux facteurs".
Les constructeurs sont pourtant sous pression dans de nombreux pays pour réduire leurs émissions, ce qui les contraint à se tourner vers l'électrification et à améliorer l'efficacité des moteurs à combustion: dans l'UE, de nouveaux plafonds entreront en vigueur en 2020, avec obligation pour les voitures neuves d'afficher des émissions moyennes de CO2 inférieures à 95 grammes par kilomètre.
Pour autant, sous la pression du lobby automobile allemand, ce chiffre de 95 grammes sera ajusté en fonction de la masse des véhicules: les grosses voitures pourront émettre un peu plus.
En France la question est un sujet de bataille via la définition du bonus/malus à l'achat: faut-il ou non prendre en compte le poids des véhicules, comme le souhaitent certains députés?
Pour les ONG environnementales, les SUV sont devenus un nouveau repoussoir. En septembre, 15.000 à 25.000 manifestants ont perturbé le salon de l'auto de Francfort pour réclamer des moyens pour les transports en commun et dénoncer les SUV, ces "chars d'assaut urbains".
En Allemagne, où des voix s'élèvent pour leur interdiction en centre-ville depuis un accident mortel survenu à Berlin, un cargo en transportant un chargement a été visé par Greenpeace, sous la bannière "tueur de climat à bord".
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