Ornella Gilligmann, une mère de trois enfants, est tombée en larmes dans le box à l'énoncé du verdict. Inès Madani est elle restée assez impassible. Ces condamnations sont alignées sur les réquisitions du parquet, si ce n'est que la cour n'a pas mentionné de période de sûreté.
Avec leurs co-accusées, elles sont devenues, selon l'expression des avocats généraux, le "visage du jihad au féminin". Dans cette affaire qui avait révélé le rôle actif des femmes dans le jihad, quatre des cinq femmes jugées encouraient la perpétuité.
Aujourd'hui âgées de 22 à 42 ans, les accusées sont soupçonnées d'avoir voulu lancer des attaques terroristes, en suivant les consignes de Rachid Kassim, propagandiste du groupe Etat islamique (EI) et inspirateur quelques semaines plus tôt de l'assassinat d'un policier et de sa femme à Magnanville (Yvelines).
Inès Madani et Ornella Gilligmann ont tenté de faire exploser une voiture remplie de bonbonnes de gaz dans la nuit du 3 au 4 septembre 2016, devant des restaurants situés près de Notre-Dame de Paris, en tentant de l'incendier avec du gasoil. Seul le choix de ce carburant, difficile à enflammer, a permis d'éviter l'explosion.
Après l'échec de cet attentat, Inès Madani s'était retranchée dans l'appartement d'Amel Sakaou, à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), sur les conseils de Rachid Kassim. Toutes deux avaient été rejointes par Sarah Hervouët, originaire du sud de la France, guidée elle aussi par le jihadiste.
- "Le pire des comportements" -
Se sachant traquées, les trois jeunes femmes avaient quitté précipitamment leur appartement le 8 septembre, armées de couteaux de cuisine. Sur le parking, Sarah Hervouët avait porté un coup de couteau à un policier en civil de la DGSI. Inès Madani avait pour sa part couru vers un policier, qui l'avait blessée par balles aux jambes.
Sarah Hervouët a été condamnée à 20 ans de réclusion, tout comme Amel Sakaou qui a refusé d'assister au procès tout au long des trois semaines d'audience.
Samia Chalel, accusée d'avoir aidé Inès Madani à trouver un point de chute après l'attentat raté, a elle été condamnée à cinq ans de prison, dont un an avec sursis avec mise à l'épreuve. La jeune femme, qui encourait 30 ans de réclusion, a été la seule à accueillir ce verdict avec le sourire.
"J'ai eu le pire des comportements", a déclaré lundi matin Inès Madani, cheveux réunis en chignon. "Je n'avais que des projets de morts à l'époque. Aujourd'hui, j'ai des projets de vie", a-t-elle poursuivi.
"Je demande pardon et je demanderai pardon toute ma vie à tous ceux qui ont été victimes du terrorisme", a dit Ornella Gilligmann, confiant d'une voix émue sa "honte".
Ces cinq femmes ont été "le bras armé" en France du groupe Etat islamique, a souligné l'un des deux avocats généraux lors des réquisitions. "Elles étaient animées" par une "volonté de tuer" et ont fait preuve d'une "détermination sans faille".
Décrite comme "isolée" et en pleine "crise identitaire", Inès Madani avait rencontré Ornella Gilligmann sur internet au printemps 2016. La jeune femme se faisait alors passer pour un homme, appelé "Abou Jounayb", dont Ornella Gilligmann était tombée amoureuse.
Leur relation a été "passionnelle, déséquilibrée, déterminante", a assuré l'avocate d'Ornella Gilligmann, Me Cosima Ouhioun, assurant que sa cliente - alors mariée et mère de trois enfants - avait agi par amour.
Rachid Kassim, qui serait mort en Irak en 2017, a été condamné par défaut à la perpétuité. Mohamed Aberouz, qui devait se marier avec Sarah Hervouët et qui était jugé pour "non dénonciation de crime", a lui reçu une peine de trois ans de prison. Il est par ailleurs mis en examen dans le dossier de Magnanville.
Inès Madani avait déjà été condamnée en avril à huit ans de prison pour des faits plus anciens, qui avaient révélé son rôle de mentor auprès d'aspirants jihadistes.
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