"Frères indigènes, je vous ai toujours traités avec respect et affection", a lancé le président Lenin Moreno en ouverture de cette réunion, organisée dans un centre religieux de la capitale et retransmise à la télévision.
"Cela n'a jamais été mon intention d'affecter les secteurs les plus démunis (...), les plus pauvres", a insisté le chef de l'Etat, un libéral élu en 2017 sous l'étiquette socialiste.
La communauté indigène, qui représente un quart de la population, est le fer de lance de la contestation contre les réformes économiques négociées avec le Fonds monétaire international (FMI) en échange d'un prêt de 4,2 milliards de dollars, dont la mesure la plus polémique est le décret 883, qui supprime les subventions au carburant et multiplie par deux les prix à la pompe.
Visage peint et tête coiffée d'une couronne de plumes, le président de la Confédération des nationalités indigènes de l'Equateur (Conaie), Jaime Vargas, a fustigé "l'improvisation de la politique économique" du président, notant avec regret qu'"on sent que la droite et le FMI gèrent le pays".
Il a réitéré la principale revendication de sa communauté: "Nous demandons l'abrogation du décret 883".
"Violence démesurée"
Cette réunion de dialogue, sous l'égide de l'ONU et de l'Eglise catholique, survient alors que le pays andin est secoué par une vague de manifestations avec, depuis le 3 octobre, sept morts, 1.340 blessés et 1.152 arrestations, selon le bureau du Défenseur du peuple, organisme public de défense des droits.
Quito, capitale située à 2.850 mètres d'altitude, a été le théâtre de débordements d'une violence inédite et de longs affrontements entre manifestants armés de pierres et fusées artisanales et forces de l'ordre tirant grenades lacrymogènes et balles en caoutchouc.
Dimanche, des heurts se poursuivaient aux abords du Parlement alors que la ville se remettait à peine de la journée mouvementée de samedi, avec des bâtiments incendiés, comme celui de l'Inspection générale des finances ou de la chaîne Teleamazonas, des barricades de pierres, des vitres brisées et des pneus brûlés sur la chaussée.
Débordé face à cette situation incontrôlable, le président Moreno, qui avait déjà déplacé le siège du gouvernement à Guayaquil (sud), a décrété le couvre-feu et placé la ville sous contrôle militaire jusqu'à nouvel ordre.
"Il y a eu une convulsion sociale et un non-respect des droits humains, une violence démesurée contre le peuple et un terrorisme d'Etat", a dénoncé Jaime Vargas à propos de la répression des forces de l'ordre.
Donc, "comme geste de paix sociale pour le pays (...), nous demandons le départ immédiat (des) deux ministres" de l'Intérieur et de la Défense.
"On n'avait jamais vu un niveau de violence brutale comme ces derniers jours", a renchéri Leonidas Iza, président du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (centre).
Il a mis en parallèle la brutalité de la police avec le coup dur que représente le bond du prix de l'essence: "Si je dois faire le plein et que le prix augmente de 123%, c'est violent".
12 jours de paralysie
La communauté indigène souffre de plein fouet des effets du décret sur les carburants: généralement pauvre et travaillant dans l'agriculture, elle voit ses coûts de transport s'envoler pour écouler ses produits.
Puissante et organisée, elle a fait venir ces derniers des milliers de ses membres des Andes et d'Amazonie pour camper à Quito. Et par le passé, elle a déjà renversé trois présidents.
"L'objectif d'un Etat plurinational n'a pas été rempli", a déclaré lors de la réunion de dialogue Jaime Vargas, reflétant une rancoeur beaucoup plus large de cette communauté, notamment envers les classes aisées et les médias, dont elle se dit absente.
"Si nous n'étions pas là, ceux de la campagne, les gens de la ville, les riches, ne pourraient pas vivre", clamait jeudi, furieuse, une manifestante indigène, Maria Escobar, 52 ans.
Mais pour Santiago Basabe, politologue de la Faculté latinoaméricaine de Sciences sociales (Flacso), "une fois le dialogue ouvert, ce sera très difficile (pour eux) de revenir en arrière" et reprendre la mobilisation.
Le pays restait à l'arrêt dimanche, entre blocages de routes, transports publics quasi inexistants et puits pétroliers d'Amazonie à l'arrêt, ce qui a déjà forcé l'Equateur à suspendre la distribution de près de 70% de sa production de brut.
"Cela fait 12 jours que le pays est paralysé", a lancé à la table de dialogue, Eustaquio Toala, président de la Feine, organisation d'indigènes évangéliques, promettant au président Moreno que le retour à la normale pourrait avoir lieu "dès ce soir" si le décret est abrogé.
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