Les combats font rage au cinquième jour d'une offensive turque qui a provoqué un tollé international et entraîné la mort de plus de 150 personnes, dont une cinquantaine de civils, et l'exode de plus de 130.000.
Avec cet assaut, la Turquie cherche à contrôler des secteurs du nord syrien et à y instaurer une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur pour séparer sa frontière des territoires aux mains des Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qualifiée de "terroriste" par Ankara.
A la faveur de la guerre complexe en Syrie déclenchée en 2011, la minorité kurde a instauré une autonomie de facto sur de vastes régions du nord et nord-est du pays, le long de la frontière turque. Ces secteurs sont sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants dominée par les YPG.
Dimanche, les combats se concentrent sur une bande allant des villes de Ras al-Aïn à Tal Abyad tenues par les forces kurdes. Près de Tal Abyad, les forces turques et les supplétifs syriens ont conquis la localité de Suluk, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Le bilan s'alourdit
Sur le front de Ras al-Aïn, plus à l'est, les forces kurdes ont fait reculer les militaires turcs et les combats se poursuivent à la périphérie de la ville, a indiqué l'OSDH.
Un responsable des FDS à Ras al-Aïn a affirmé que ses forces avaient utilisé "des tunnels souterrains" pour prendre l'assaillant par surprise.
Face à la résistance des combattants kurdes, les forces turques progressent lentement. Elles ont pris au total depuis mercredi 36 villages aux Kurdes mais n'ont pas encore conquis de villes majeures, selon l'OSDH.
Au moins 14 civils ont été tués dimanche, dont cinq personnes à bord d'une voiture visée par des combattants proturcs près de Aïn Issa, a dit l'ONG.
En cinq jours, 104 combattants kurdes ainsi que 52 civils ont été tués dans les violences, selon un dernier bilan de l'OSDH. Ankara a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières turques.
Selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), "des déplacements significatifs continuent d'être rapportés autour de Tal Abyad et Ras al-Aïn", avec des "estimations dépassant les 130.000 personnes".
Ces déplacés ont été installés dans des écoles transformées en abri dans des zones relativement épargnées par les violences.
"Fermer l'espace aérien"
Les FDS ont combattu pendant des années l'EI, vaincu en mars dernier en Syrie, avec principalement l'aide des Etats-Unis dont des centaines de soldats sont déployés dans le nord syrien.
L'offensive turque a été lancée deux jours après que les Etats-Unis ont retiré des soldats des abords de la frontière syro-turque, semblant donner le feu vert à l'assaut.
Un "coup de couteau dans le dos", ont accusé les FDS en appelant malgré tout les Etats-Unis à "assumer leurs responsabilités morales" et à "fermer l'espace aérien face à l'aviation turque", principal atout dans l'offensive.
Les autorités kurdes ont de plus maintes fois mis en garde contre une résurgence de l'EI, en cas de chaos sécuritaire provoqué par une offensive turque. Des cellules dormantes de l'EI pourraient libérer les milliers de jihadistes et leurs familles retenus dans des prisons ou des camps de déplacés, ont-elles averti.
Dimanche, "plus d'une centaine de personnes, des femmes et des enfants", ont fui le camp de déplacés de Aïn Issa, situé à proximité des combats, a indiqué à l'AFP un responsable du camp.
Des "bombardements ont visé" le camp, selon les autorités kurdes.
L'OSDH a confirmé qu'"environ une centaine" de femmes "étrangères" et d'enfants des familles de l'EI ont pris la fuite, sans autre précision.
Vendredi, les forces kurdes ont affirmé que cinq jihadistes de l'EI s'étaient échappés d'une prison après des raids aériens turcs ayant visé ses environs.
S'adressant à la communauté internationale, les autorités kurdes ont réclamé "une intervention rapide pour empêcher une catastrophe dont les conséquences ne se limiteront pas à la Syrie".
Quelque 12.000 combattants de l'EI, des Syriens, des Irakiens mais aussi 2.500 à 3.000 étrangers originaires de 54 pays, sont détenus dans les prisons des Kurdes, selon leurs statistiques. Les camps de déplacés accueillent quelque 12.000 étrangers, 8.000 enfants et 4.000 femmes.
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