Il l'a tellement désirée, elle a tellement de signification qu'il l'embrasse encore bien après l'avoir reçue sur le podium, les yeux embués de larmes : cette médaille, synonyme de qualification olympique, vaut beaucoup plus que du bronze pour Aït Saïd, bientôt trentenaire.
"Je suis sur un petit nuage, sourit-il. La concurrence était très rude, c'était une finale très relevée, je suis tellement heureux de cette qualification."
C'est bien le sésame olympique, bien plus que la médaille, même si c'est sa première au niveau mondial, qui fait le bonheur du gymnaste antibois.
Car depuis ce 6 août 2016, jour de son effroyable double fracture ouverte tibia péroné qui lui avait laissé la jambe gauche en équerre à la réception d'un saut à Rio, les JO-2020 sont l'horizon qui anime le spécialiste des anneaux. C'était le cas dès le lendemain de sa blessure, à peine opéré et encore sur un lit d'hôpital. Ça ne l'a pas quitté depuis.
"J'avais la trouille "
Pour Aït Saïd comme pour son entraîneur Rodolphe Bouché, la tension était à son comble autour de cette finale. Depuis la non-qualification des Bleus par équipe pour Tokyo lundi, le champion d'Europe 2013 des anneaux savait que son salut ne passait que par un des trois billets réservés dans chaque finale par agrès aux gymnastes dont le pays n'était pas déjà du voyage au Japon. Sur huit finalistes, ils étaient cinq à y prétendre. Il a empoché le dernier (14,800), puisqu'il a été devancé par le Turc Ibrahim Colak (14,933) et l'Italien Marco Lodadio (14,900), eux non plus pas qualifiés jusque-là. À ce petit jeu, c'est le champion olympique en titre, le Grec Eleftherios Petrounias, qui a perdu gros.
"J'avais peur, j'étais effrayé, j'avais une pression énorme depuis qu'on est arrivé ici, décrit Aït Saïd. Je ne vais pas mentir : j'avais la trouille parce que je savais que l'enjeu était énorme, que je n'avais pas le droit à l'erreur."
"Je savais que c'était possible mais qu'une bêtise aurait pu me priver de mon rêve olympique", résume-t-il.
"La pression monte depuis cinq jours, et elle était à son apogée ce (samedi) matin", confirme Bouché à l'AFP.
Mais Aït Saïd a su la dompter. Et au-delà de lui ouvrir les portes des JO-2020, ce bronze mondial tombe à pic, à neuf mois de la grand-messe olympique.
"On se l'était dit plusieurs fois : s'il y a une médaille à faire, c'est maintenant", abonde Bouché. "On a marqué les esprits. Il ne fallait pas trembler, il fallait se battre. Il fallait le faire et je l'ai fait", renchérit Aït Saïd.
Et sa petite erreur au cours de son mouvement nourrissait déjà son plus grand rêve. "Sans ce petit bémol, j'étais champion du monde. Mais c'est pas grave, je serai champion olympique", lance-t-il.
S'ils sont désormais trois Bleus qualifiés pour Tokyo, avec Loris Frasca et Cyril Tommasone (6e de la finale des arçons, avec 14,833), Aït Saïd a apporté à la gymnastique française sa première médaille mondiale depuis cinq ans (Tommasone en bronze aux arçons en 2011).
23 médailles mondiales pour Biles
La championne américaine Simone Biles est une très grande habituée des honneurs des podiums, mais celui sur lequel elle s'est hissée samedi gardera une place particulière dans l'histoire : en s'imposant en finale du saut (15,399), Simone Biles a égalé, à 22 ans, le record absolu de médailles mondiales établi par la légende bélarusse Vitaly Scherbo dans les années 1990.
"Je suis fière de toutes mes performances ici, j'ai été régulière, c'était mon objectif de la saison, et en particulier pour ces Mondiaux", commente-t-elle.
Certes, les barres asymétriques lui ont résisté (5e, avec 14,700) mais la championne américaine devrait s'emparer seule de ce record de médailles dès dimanche : il lui reste encore deux finales à disputer, à la poutre et au sol.
En attendant, ce sacre au saut, son troisième de la compétition allemande, et surtout le 17e de sa carrière, a encore enrichi son record du plus grand nombre de médailles d'or mondiales.
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