Lancée mercredi, l'opération militaire, impliquant des forces aériennes et terrestres, a suscité un tollé international, plusieurs pays, notamment européens, s'inquiétant du sort des civils mais aussi des nombreux jihadistes détenus par les forces kurdes et qui pourraient s'enfuir.
En réponse aux critiques européennes, le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé jeudi d'envoyer en Europe des millions de migrants accueillis par la Turquie après avoir fui la guerre en Syrie.
"Nous n'accepterons jamais que les réfugiés soient utilisés comme arme et pour nous faire chanter", lui a rétorqué vendredi le président du Conseil européen Donald Tusk.
Le feu vert donné de facto par les Etats-Unis à l'opération turque --en annonçant le retrait de soldats américains stationnés côté syrien de la frontière-- a été perçu comme une trahison par les Kurdes, dont les forces étaient jusqu'alors alliées à la coalition internationale anti-jihadistes menée par Washington.
Le président américain Donald Trump a cependant chargé jeudi la diplomatie américaine de tenter d'arranger un cessez-le-feu entre les belligérants.
Tunnels et tranchées
Sur le terrain, de violents combats opposent les Forces démocratiques syriennes (FDS) --une coalition de combattants arabes et kurdes-- aux troupes turques et leurs supplétifs syriens dans le nord-est de la Syrie, selon une ONG.
Les FDS luttent pour contenir l'avancée sur le terrain des forces turques, qui ont pris le contrôle jeudi de 11 villages, dont deux ont été depuis repris par les Kurdes, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Les combats se concentrent dans une bande de 120 km, le long de la frontière entre la Syrie et la Turquie. "Il y a d'intenses combats (...) sur plusieurs fronts, principalement de Tal Abyad à Ras al-Aïn", villes frontalières, a indiqué l'OSDH.
Les FDS utilisent des tunnels et des tranchées pour se défendre, selon l'ONG.
Les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn sont les plus touchées par les combats, a confirmé un centre de presse affilié aux autorités kurdes locales.
Certaines tribus arabes ont rejoint les rangs des forces turques et mené des attaques à l'intérieur des lignes kurdes en activant des cellules dormantes, selon la même source.
D'après un bilan établi jeudi soir par l'OSDH, 29 combattants des FDS et 10 civils ont été tués par les frappes aériennes et les tirs d'artillerie de l'armée turque depuis mercredi.
Ankara a annoncé vendredi la mort d'un de ses soldats. Des roquettes kurdes tirées sur des villes frontalières en Turquie ont également tué six civils, dont un bébé et une fillette, selon la même source.
Les forces turques et leurs alliés ont recours à des frappes aériennes, l'artillerie lourde et des tirs de roquette, selon l'OSDH.
Les villes de Ras al-Ain, Tal Abyad et d'autres villes à la frontière ont été presque désertées par leurs habitants, provoquant une grande vague de déplacements.
Les Nations unies ont parlé de 70.000 personnes ayant fui les combats, se dirigeant plus à l'est, vers Hassaké, une ville épargnée par les combats.
"Que veut de nous Erdogan? (...) C'est juste parce que nous sommes kurdes?", demande une femme qui a trouvé refuge avec sa famille dans une école de Hassaké mise à disposition par les autorités locales kurdes.
"Action militaire unilatérale"
D'après les médias turcs, la Turquie souhaite prendre le contrôle de la bande entre Ras al-Aïn et Tal Abyad, longue de 120 kilomètres et profonde d'une trentaine de kilomètres, afin d'éloigner de la frontière la principale milice kurde syrienne, les Unités de protection du peuple (YPG), épine dorsale des FDS.
Principal acteur de la défaite du groupe Etat islamique (EI) et soutenues par les Occidentaux, les YPG sont cependant considérées comme une organisation "terroriste" par Ankara.
La Turquie espère via cette offensive créer une "zone de sécurité" où pourront être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant sur son sol.
Médecins sans frontières (MSF) a indiqué dans un communiqué avoir été contraint de fermer un hôpital que l'ONG soutenait à Tal Abyad. Les bombardements ont obligé les patients à fuir, comme les membres du personnel soignant, selon MSF.
D'autres organisations humanitaires ont mis en garde contre un nouveau désastre humanitaire en Syrie, où la guerre a débuté il y a plus de huit ans et implique plusieurs grandes puissances régionales et internationales.
A New York, à l'issue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, les cinq pays européens y siégeant --Paris, Berlin, Bruxelles, Londres, Varsovie-- ont exigé l'arrêt de cette "action militaire unilatérale".
Dénonçant une situation "absolument choquante" pour les civils, la France a annoncé vendredi que les Européens examineraient "la semaine prochaine" la possibilité de sanctions contre la Turquie.
Se faisant écho des inquiétudes des dirigeants européens, le président russe Vladimir Poutine, dont le pays est allié au régime syrien, a dit craindre que l'opération turque ne provoque une résurgence de l'EI.
Mêmes craintes pour le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg. "Les prisonniers de Daech (un acronyme de l'EI) ne doivent pas pouvoir s'évader", a-t-il martelé lors d'une visite en Turquie.
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