L'un pour 2018 et l'autre pour 2019, ils devront faire oublier à ses contempteurs le sacre de Bob Dylan en 2016 et celui du rachat – pour certains trop consensuel – de Kazuo Ishiguro en 2017.
L'Académie, privée du quorum de membres siégeant prévu dans ses statuts pour désigner un lauréat Nobel, avait dû renoncer l'an dernier, et reporter l'annonce d'un an, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.
Après des démissions en chaîne et l'intervention du roi pour réformer les statuts, les gardiens du temple, leurs illusions perdues, aspirent à refermer le livre d'une funeste comédie humaine et ne plus désormais parler que de prose et de vers.
De vers, et surtout de prose. Comme chaque année depuis 1901, les salons bruissent d'une pléiade de noms, quand bien même l'académie garde secret jusqu'au dernier instant le vote de ses 18 membres, et font la part belle aux romanciers. En témoigne le palmarès Nobel.
La Française Maryse Condé, le Kényan Ngugi Wa Thiong'o et la Canadienne Anne Carson – une poétesse! – tiennent la corde.
Les noms des lauréats du Nobel de littérature doivent être dévoilés à 13h00 (11h00 GMT).
Les critiques interrogés par l'AFP prédisent des choix consensuels, dont celui d'au moins une femme, peut-être la Chinoise Can Xue, la Russe Lioudmila Oulitskaïa, l'Américaine Joyce Carol Oates, ou encore la Polonaise Olga Tokarczuk.
Le prix de littérature a honoré 14 femmes seulement pour 100 hommes depuis la création des Nobel en 1901.
Chez les hommes, sont avancés les noms du poète et romancier roumain Mircea Cartarescu, du Japonais Haruki Murakami, du Français Milan Kundera, mais aussi de l'Italien Claudio Magris, du Portugais Antonio Lobo Antunes, ou de l'Américain Don DeLillo.
Pour Svante Weyler, écrivain et ancien éditeur, l'Académie et le prix peuvent retrouver leurs lettres de noblesse "mais seulement par un choix judicieux des lauréats".
Selon lui, l'académie" optera pour des auteurs d'un certain classicisme, jouissant pour l'un d'une grande considération dans les milieux littéraires, et pour l'autre des faveurs du public. Et "absolument pas quelqu'un pouvant provoquer une controverse politique", prédit-il.
Fossoyeur de l'académie
La France, plus que toute autre nation, a souvent eu les honneurs des académiciens depuis la création du Nobel, décerné pour la première fois en 1901 au poète Sully Prudhomme. Elle compte à ce jour 15 lauréats.
Et c'est par un Français qu'est venu le scandale, en novembre 2017, lorsque 18 femmes (autant que d'académiciens) témoignant dans le grand quotidien Dagens Nyheter ont accusé de harcèlement, d'agression sexuelle et de viol une personnalité du monde culturel stockholmois.
Cette personnalité, c'est Jean-Claude Arnault, propriétaire d'un club underground couru de la capitale, où l'aristocratie des arts et de la pensée s'enivre le dimanche de Proust et de vin.
Marié à une académicienne, Jean-Claude Arnault recevait de généreux subsides de l'académie, se vantait d'en être le "19e membre" et, selon des témoins, soufflait le nom des futurs lauréats du Nobel à ses amis.
Parfois qualifié de "fossoyeur de l'Académie", il a été définitivement condamné à deux ans et demi de prison pour viol.
Au-delà de son volet purement judiciaire, l'affaire a mis au jour le huis clos vicié d'une institution rongée par les intrigues et les prébendes, insultant le récit national d'un royaume luthérien édifié sur les valeurs de transparence, de probité et d'égalité.
L'Académie suédoise, créée en 1786 sur le modèle de son aînée française, a été réduite en cendres par l'opprobre, les batailles d'influence et les pamphlets de gazette échangés comme des soufflets entre hussards de la vieille garde et dragons de la relève.
Le faix de la réhabilitation échoit désormais à Mats Malm, élu nouveau secrétaire perpétuel.
Ce professeur d'université, historien de la littérature, doit s'assurer que la "Svenska Akademien" observe à la lettre le testament d'Alfred Nobel qui entend honorer "la personne ayant produit dans le domaine littéraire l'oeuvre d'inspiration idéaliste la plus remarquable".
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