De l'avis de tous, atteindre cette barre sera difficile, sur fond de "fatigue des donateurs": la cause du sida peut sembler moins urgente qu'il y a quelques années et de nombreux financements sont mobilisés pour la cause environnementale, comme le Fonds vert pour le climat, perçue comme plus porteuse politiquement.
"Dans le contexte actuel, toute augmentation importante au-delà des 12,2 milliards de dollars" récoltés il y a trois ans, lors de la dernière conférence de refinancement du Fonds mondial, "sera considérée comme un succès", explique-t-on à l'Elysée, alors que la France est cette année le pays hôte de la conférence.
"Il nous faut, à Lyon, 14 milliards de dollars", affirmait pourtant Emmanuel Macron il y a deux semaines, à l'assemblée générale de l'ONU, soulignant que "plus personne ne peut comprendre que pour des raisons financières (...) il soit aujourd'hui impossible d'accéder à des traitements pour prévenir ou guérir de telles maladies".
Ce montant a été fixé en janvier par le Fonds mondial qui y voit un minimum pour se donner une chance d'atteindre l'objectif de l'ONU: mettre fin d'ici à 10 ans aux épidémies de sida, de paludisme et de tuberculose, les trois principales maladies infectieuses qui constituent une menace pour la santé mondiale.
Il est pourtant jugé déjà insuffisant par de nombreuses ONG qui s'appuient sur l'estimation d'experts indépendants, calculant qu'il faudrait 16,8 milliards à 18 milliards de dollars pour y parvenir.
La 6e conférence "de reconstitution des ressources" du Fonds mondial, pour la période 2020-2022, s'ouvre mercredi après-midi au Centre de congrès de Lyon.
Elle réunira 700 participants, dont 10 chefs d'Etat et de gouvernement, principalement africains, le milliardaire Bill Gates, premier contributeur privé à l'organisme via sa fondation, et le chanteur Bono, co-fondateur de l'association RED.
"Mauvais calcul"
Une quinzaine de pays donateurs ont déjà annoncé leur contribution, permettant d'assurer les trois-quarts du montant final.
Les Etats-Unis conserveront leur rang de premier donateur avec un apport en hausse de 9% à 4,68 milliards de dollars voté par le Congrès, qui reste à officialiser.
Le Royaume-Uni, deuxième contributeur pour la période 2016-2019, a annoncé un montant de 1,44 milliard de livres (environ 1,7 milliard de dollars), en hausse de près de 20%, tandis que l'Allemagne, qui occupe le quatrième rang, apportera 1 milliard d'euros (environ 1,1 milliard de dollars), soit une augmentation de 18%.
L'atteinte de l'objectif final dépendra donc des montants engagés par le secteur privé et par la France, un des fondateurs du Fonds et deuxième donateur historique, mais qui n'a pas augmenté sa contribution depuis 2010, à 1,08 milliard d'euros.
Si l'Elysée juge "tout à fait souhaitable" que la part du privé augmente (7% du total aujourd'hui), elle assure que "la France sera à la hauteur de son statut de deuxième contributeur historique", laissant à Emmanuel Macron la primeur de son annonce jeudi.
200 ONG ont signé la semaine dernière une tribune dans Le Monde appelant la France à augmenter sa contribution "d'au moins 25%".
"Mais pour atteindre la cible des 14 milliards et que la France retrouve sa place de leader européen, il faudrait une hausse de 45%", estime Enzo Poultreniez, responsable chez Aides, évoquant le "mauvais calcul" de ceux qui "rechignent à investir".
Alors que le traitement annuel contre le VIH coûte maintenant "moins de 100 dollars par an", les 40% de personnes séropositives qui n'y ont pas accès "font la dynamique de l'épidémie", argumente-t-il.
"Un relâchement des financements internationaux provoquerait une reprise en force des épidémies et la riposte pour en reprendre le contrôle serait encore plus onéreuse", souligne également Françoise Barré-Sinoussi, co-découvreuse du VIH et présidente de Sidaction.
Créé en 2002, le Fonds mondial est un partenariat original entre Etats, société civile, secteur privé et malades. Ses fonds vont pour moitié à la lutte contre le sida et pour moitié au paludisme et la tuberculose.
Dans son dernier rapport, en septembre, l'organisme revendiquait 32 millions de vies sauvées depuis sa création, mais avertissait de "nouvelles menaces" mettant en péril l'atteinte de ses objectifs: "la stagnation des financements", mais aussi le développement de "la résistance aux médicaments" contre le paludisme et la tuberculose.
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