"Tous les préparatifs en vue d'une opération ont été achevés", a indiqué mardi le ministère turc de la Défense, renforçant l'impression qu'une offensive d'Ankara contre les Unités de protection du peuple (YPG) était imminente.
La tension dans le nord-est de la Syrie, vive depuis plusieurs mois, est encore montée d'un cran après l'annonce par la Maison Blanche, dimanche soir, que les militaires américains stationnés dans la zone seraient retirés en vue d'une opération turque.
Mais, accusé, jusque dans son propre camp, de lâcher des alliés des Etats-Unis, le président Trump a réorienté lundi son discours en affirmant qu'il "anéantirait complètement l'économie de la Turquie" si celle-ci "dépassait les bornes".
Balayant ces avertissements, le vice-président turc Fuat Oktay a déclaré mardi que la Turquie n'était "pas un pays qui agit en fonction des menaces". "Lorsqu'il s'agit de sa sécurité (...), la Turquie trace sa propre voie", a-t-il ajouté.
D'après le quotidien turc Hürriyet, une opération pourrait débuter dans les prochains jours, l'état-major turc attendant que le retrait des forces américaines présentes dans cette zone soit achevé.
La Turquie envisage dans un premier temps de prendre le contrôle d'une bande de territoire longue de 120 km et profonde d'une trentaine de km allant des villes de Tal Abyad à Ras al-Aïn, selon Hürriyet.
Lundi soir, l'armée turque a dépêché des renforts, notamment des chars, en plusieurs points de sa frontière avec la Syrie.
Zone tampon
A terme, Ankara entend créer une "zone de sécurité", sorte de tampon de 30 km profondeur s'étirant de l'Euphrate à la frontière irakienne, soit 480 km.
Cette zone a pour vocation, selon Ankara, d'accueillir une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie et de séparer la frontière turque des territoires conquis par les YPG en plein chaos syrien.
Car si les pays occidentaux sont reconnaissants envers les YPG pour leur rôle de premier plan dans la défaite militaire du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, Ankara les considère comme des "terroristes" en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une guérilla en Turquie.
En août, la Turquie et les Etats-Unis, deux alliés au sein de l'Otan, s'étaient mis d'accord pour créer ensemble cette "zone de sécurité". Mais Ankara n'avait eu de cesse depuis de dénoncer des retards, menaçant de passer unilatéralement à l'action.
Et c'est à l'issue d'un entretien téléphonique entre M. Trump et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan portant sur cette question que la Maison Blanche a brusquement annoncé dimanche soir que les Américains se retireraient de la zone.
"Il est temps (...) de ramener nos soldats à la maison", avait ensuite tweeté le président Trump, accréditant l'idée d'un retrait plus vaste, sinon total, de Syrie.
Cette décision a provoqué un tollé aux Etats-Unis, y compris chez les Républicains, comme l'influent sénateur Lindsey Graham qui a appelé M. Trump à "revenir" sur ce retrait "porteur de désastre".
Prisonniers de l'EI
Sous pression et alors qu'il a besoin de son camp en pleine procédure d'"impeachment", le milliardaire américain a sommé la Turquie de ne pas "dépasser les bornes" qu'il a fixées dans sa "grande et inégalable sagesse".
En parallèle, les responsables américains se sont employés à se démarquer de toute opération militaire d'Ankara et à minimiser le départ des soldats américains, évoquant le simple redéploiement de 50 à 100 membres des forces spéciales.
Reste que cette confusion inquiète le reste de la communauté internationale, l'ONU indiquant lundi se "préparer au pire" en cas de nouvelle crise humanitaire en Syrie, où le conflit a fait depuis 2011 des millions de déplacés et a coûté la vie à plus de 370.000 personnes.
Un autre sujet d'inquiétude en cas d'offensive turque concerne le sort des jihadistes, notamment européens, prisonniers des forces kurdes.
Ces dernières ont accusé Washington de "détruire la confiance", et averti qu'une opération turque entraînerait un retour de l'EI.
Téhéran, acteur majeur du conflit syrien et soutien du régime de Damas, a aussi dit son opposition, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif appelant au "respect de l'intégrité territoriale", lors d'un entretien avec son homologue turc lundi soir.
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