Le ministre de l'Intérieur a de nouveau tenté de répondre au séisme provoqué par l'attaque meurtrière perpétrée par Mickaël Harpon, l'employé de la préfecture de 45 ans qui a poignardé à mort quatre fonctionnaires jeudi avant d'être abattu.
Quatre jours après cette attaque sans précédent au cœur de l'appareil policier, de nombreuses voix dénoncent l'incurie des autorités et cherchent à comprendre comment Mickaël Harpon a pu passer sous les radars alors qu'il avait donné des signes de radicalisation au sein même de la direction du renseignement de la PP (DRPP) où il était employé.
Durement mis en cause, Christophe Castaner a reconnu lundi sur France Inter un "dysfonctionnement d'Etat" mais a récusé l'accusation de "scandale d'Etat", portée par ceux qui, à droite et à l'extrême droite, réclament sa démission à cor et à cris.
Selon le ministre, M. Harpon, converti à l'islam depuis une dizaine d'années et fréquentant des membres de la mouvance "salafiste", avait justifié en juillet 2015 l'attentat contre Charlie Hebdo au sein même de la DRPP sans qu'un signalement formel ne soit adressé à la hiérarchie policière.
Selon un rapport interne révélé dimanche par France Inter, cet agent administratif habilité secret défense aurait déclaré à deux collègues "C'est bien fait" à propos de l'attaque menée en janvier 2015 contre l'hebdomadaire satirique.
"Il n'y a pas eu d'alerte au bon niveau, au bon moment", a accusé le ministre, ajoutant que "les signaux d'alerte auraient dû être suffisants pour déclencher une enquête en profondeur".
Plusieurs collègues de M. Harpon ont indiqué avoir "noté dans le passé des signes de radicalisation" et en avoir "alerté leur hiérarchie ou pris conseil auprès de collègues spécialistes de ces problématiques", selon le rapport interne.
Pour tenter d'éteindre la polémique, M. Castaner a appelé à ce que toute alerte liée à la radicalisation fasse désormais "l'objet d'un signalement automatique", sans plus de précisions. Deux enquêtes administratives confiées à l'Inspection générale du renseignement ont été ouvertes par le Premier ministre Edouard Philippe.
Audition mardi
Pas sûr que cela suffise à faire taire les critiques qui s'abattent sur l'exécutif et plus particulièrement contre le ministre de l'Intérieur, accusé d'avoir trop vite déclaré jeudi que l'assaillant n'avait "jamais présenté de difficultés comportementales".
Du RN à LR en passant par LFI, plusieurs responsables ont accusé M. Castaner d'avoir "menti délibérément" et réclamé sa démission et une commission d'enquête parlementaire.
Les prochains jours s'annoncent encore sous haute tension pour le ministre. Mardi, il doit être entendu à huis clos par la délégation parlementaire au renseignement avant de passer au gril des questions au gouvernement.
Jeudi, c'est la commission des lois du Sénat qui l'auditionnera.
Sur le front de l'enquête menée par les services antiterroristes, l'épouse de Mickaël Harpon a été relâchée dimanche soir à l'issue de trois jours de garde à vue, sans être poursuivie à ce stade.
Les enquêteurs cherchaient d'éventuels éléments incriminants chez cette mère de deux enfants qui s'était inquiétée "du comportement inhabituel et agité" de son époux la veille de l'attaque et avait échangé avec lui 33 SMS le matin des faits.
Outre la recherche d'éventuels complices dans les milieux radicaux, les enquêteurs tentent d'éclaircir la nature des informations auxquelles l'assaillant a pu avoir accès à la préfecture, où il travaillait depuis 2003 comme informaticien.
Le secrétaire d'Etat à l'Intérieur Laurent Nuñez a écarté "à ce stade" l'hypothèse selon laquelle il aurait fait partie d'une cellule jihadiste.
Ebranlée par cette attaque de l'intérieur, la préfecture de police rendra un dernier hommage aux quatre victimes --trois policiers et une fonctionnaire des ressources humaines -- mardi matin lors d'une cérémonie à laquelle assistera Emmanuel Macron.
Le jour de l'attaque, le président avait évoqué un "véritable drame" et fait observer une minute de silence "pour ceux qui sont tombés, leurs familles et leurs collègues".
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